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Le client de Michel (de Bourges), malgré la véhémente défense de celui-ci, fut condamné à cinq ans de prison. Les bonapartistes, tant aidés par les républicains dans la confection de la légende napoléonienne, n’avaient pas besoin de cette condamnation pour manifester leurs sentiments hostiles au régime de juillet. Et ces manifestations trouvaient fréquemment un écho dans les masses.

C’est ainsi qu’à Reims, un prédicateur de passage, ayant mal parlé de Napoléon en chaire, souleva une véritable émeute populaire et fut poursuivi jusqu’à son logis, dont la police eut beaucoup de peine à empêcher l’envahissement par la foule.

D’ailleurs, l’impopularité du clergé allait croissante à mesure que s’opérait un rapprochement plus étroit entre lui et le pouvoir et, que d’autre part, on voyait, au mépris de la loi de 1834, se reformer les anciennes congrégations religieuses.

C’est à ce moment, le 11 décembre, que mourut, à Clermont-Ferrand, le comte de Montlosier, l’implacable adversaire des jésuites, contre lesquels il avait rédigé en 1826 un célèbre Mémoire à consulter. Bien qu’il les eût demandés, car il était fervent catholique, le clergé, sur l’ordre de l’évêque, lui refusa les derniers sacrements, à moins qu’il ne rétractât ses écrits contre la fameuse compagnie. Car désormais le jésuitisme et l’Église ne font qu’un, ouvertement. Le temps n’est plus où le clergé français se défendait pied à pied contre cette milice qui ne relève que du pape. Les évêques donnent presque tous l’exemple de la soumission. Celui de Clermont était absolument dans les mains des jésuites.

Montlosier ayant refusé de désavouer ses opinions sur des hommes et sur des actes qui n’avaient rien de commun avec les dogmes essentiels de sa croyance, fut donc rejeté vivant de la communion des fidèles, et mort on lui refusa les obsèques religieuses. Ce fait souleva une grosse émotion, et le gouvernement fut forcé de déférer l’évêque de Clermont au Conseil d’État pour abus. La platonique condamnation qui le frappa lui valut les félicitations de la plupart des membres de l’épiscopat français.

Louis Blanc se scandalise fort de ce refus des sacrements et de la sépulture religieuse opposé à un bon catholique. La thèse cléricale, cependant, est juste en principe. L’église ne considère pas comme fidèles ceux qui acceptent ses dogmes et repoussent sa discipline. Elle forme une association qui lie tous ses membres pour tout ce qu’elle prescrit ou défend, aussi bien que tout pour ce qu’elle enseigne. Il faut accepter tout ou s’en aller. Le temps n’était plus l’on pouvait obliger les prêtres à porter entre deux exempts les sacrements aux fidèles.

À propos d’un cas à peu près semblable, où quelques années auparavant un sous-préfet avait d’autorité fait conduire à l’église, malgré le curé, le corps d’un fidèle auquel les secours de la religion avaient été refusés, ce qui fut le cas de l’évêque Grégoire, Lacordaire écrivait dans l’Avenir :

« Or, l’homme qui a bravé tant de Français dans leur religion, qui a traité un lieu où les hommes plient le genou avec plus d’irrévérence qu’il n’en serait permis à l’égard d’une étable, cet homme, il est au coin de son feu, tranquille