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L’affaire, cependant, vint devant la Chambre en avril et y donna lieu à des débats passionnés qui retentissaient dans le monde de la propriété et de la rente. Finalement, le ministère obtint un vote de la Chambre qui l’autorisait à laisser libres les propriétaires de rente d’opter entre le remboursement au pair et la conversion de leur titre en rente quatre pour cent. Le 26 juin, la pairie rejetait cette solution, et la conversion était ajournée encore une fois. Ce ne devait pas être la dernière.

Si la coalition donnait du tracas au ministère, le parti républicain révolutionnaire en revanche, épuisé par les mouvements de 1834 et leur répression, lui assurait des nuits plus tranquilles qu’à ses prédécesseurs. Il y eut cependant une alerte en mai. Mais le gouvernement put sévir sans avoir couru le moindre péril.

Un douanier avait trouvé un portefeuille contenant le plan d’un complot républicain. Aidée par un nommé Vallantin, qui était du complot, la police put mettre la main sur dix des conjurés, à la tête desquels se trouvait Aloysius Huber, récemment amnistié, qui prit courageusement sur lui toutes les charges de l’accusation. À côté de lui apparaissait une douce figure de femme, une héroïne de la République et de l’abnégation. De la même main qui avait porté des fleurs sur la tombe d’Alibaud, elle avait secouru les cholériques avec un dévouement, une soif du péril, un don absolu de sa personne qui éveillent invinciblement dans l’esprit un autre exemplaire d’humanité, aussi noblement exalté, qui surgit trente ans plus tard pour conformer sa vie à son rêve sublime de fraternité. Laure Grouvelle en 1838, Louise Michel en 1870 et pendant trente ans, doivent être réunies dans la pensée des socialistes pour avoir vécu leur idéal à travers la persécution, et n’avoir pas dédaigné de soulager les misères du présent, tout en travaillant à l’avenir qui les fera disparaître.

Bien qu’il n’y eût qu’un commencement d’exécution du complot, et combien peu dangereux ! le jury de la Seine fut impitoyable et condamna Huber à la déportation. Laure Grouvollo. Stauble, un Suisse d’autant plus dangereux qu’il ne savait pas dix mots de français, Annat à cinq ans de prison, et Vincent Giraud à trois ans. Naturellement le délateur ne fut pas condamné. Steuble se coupa la gorge dans sa prison, et Laure Grouvelle y perdit la raison.

Tandis que se déroulait ce drame, on couronnait à Londres la jeune reine Victoria, et le maréchal Soult, envoyé aux fêtes du couronnement comme ambassadeur extraordinaire, était choyé par la haute société anglaise. L’accord existait encore entre les deux gouvernements : aussi, quelques mois plus tard, Louis-Philippe put-il sans inquiéter l’Angleterre envoyer son jeune fils, le prince de Joinville, récolter une gloire sans péril dans le bombardement de Saint-Jean-d’Ulloa, le gouvernement du Mexique ayant refusé de faire droit aux réclamations de créanciers français.

Cet accord des cabinets de Saint-James et de Paris portait d’ailleurs d’autres fruits, et qu’il ne faut pas dédaigner. Grâce à lui, le roi de Hollande, n’espérant plus aucune complication qui permit aux cours du Nord de l’aider à replacer la