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les républicains pourraient l’appeler à profiter de sa victoire et à ne pas se la laisser escroquer. De là ces fureurs qui faisaient dire à Victor Hugo :

« Nous sommes dans le moment des peurs paniques. Un club, par exemple, effraye, et c’est tout simple : c’est un mot que la masse traduit par un chiffre : 93. Et pour les basses classes, 93, c’est la disette ; pour les classes moyennes, c’est le maximum ; pour les hautes classes, c’est la guillotine.

« Mais nous sommes en 1830. »

On était en 1830, mais la bourgeoisie à qui Victor Hugo disait : « Il y a pourtant longtemps que nous avons dépassé 1789 » songeait que 1793 avait succédé bien rapidement à 1789. Elle fit donc l’impossible pour que le peuple ne reprit pas goût à la démocratie. Dupin ainé avait eu beau prodiguer les protestations rassurantes et, par son naturel à la fois trivial et retors, mettre en gaieté la Chambre conservatrice : la bourgeoisie avait peur des républicains. Elle ne se sentirait en sûreté que lorsqu’il serait défendu de parler de la République au peuple.

— Quand on saisit un républicain, avait osé dire Dupin, on lui trouve dans les poches une pétition pour être préfet.

La bourgeoisie avait ri, mais elle n’avait pas désarmé.



CHAPITRE III


LES SOCIETES POPULAIRES ET LES CLUBS


La propagande républicaine et patriotique continue. — Les « saint-simonistes » et la Chambre. — Les ministres de Louis-Philippe essaient de sauver ceux de Charles X. — Émeutes dans Paris : le peuple veut la tête de Polignac et de ses complices. — Blanqui et l’Association des Étudiants. — Agitation fiscale, économique et sociale dans les départements. — Le sac de Saint-Germain-l’Auxerrois et le pillage de l’archevêché.


La révolution de juillet n’avait pas créé les associations libérales et démocratiques ; elle leur avait seulement permis de se manifester et d’agir au grand jour, Mais, on le sait, dès les premiers temps de la Restauration, la résistance contre l’ancien régime et ses retours offensifs, contre la Congrégation alors toute puissante, avait suscité des sociétés secrètes, dont la plus importante, la Charbonnerie, groupait tous les hommes d’action libéraux, bonapartistes et républicains. En même temps, des libéraux et des démocrates fondaient la société Aide-toi, le ciel t’aidera, dont Guizot fît partie quelque temps encore après son avènement au pouvoir.

Trois sociétés naquirent d’abord des journées de juillet : la Société constitu-