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par dix et par cent la production industrielle, elle ne peut multiplier dans la même proportion la production agricole.

C’est ce qui explique l’énorme différence de salaire entre l’ouvrier d’industrie et l’ouvrier agricole. La rente du sol, bien inférieure, comme rendement, au profit capitaliste, ne pourrait en effet causer cette différence. Avec la machine appliquée à l’industrie, l’heure de production peut être contractée en une minute. La même machine, employée à la culture du sol, ne peut faire qu’il n’y ait dans l’année que quatre saisons seulement. On commence, dans la culture maraîchère, grâce aux engrais, aux couches et aux serres, à contracter le temps nécessaire à la productivité du sol, à supprimer les saisons climatériques. Déjà, les serres de Belgique produisent en hiver du raisin de table ; mais cette forme de production, libératrice future du travail agricole comme le machinisme aura été le libérateur du travail industriel, est encore dans l’enfance.

Quiconque a vécu aux champs n’a pu s’empêcher d’être frappé de l’indigence alimentaire, non comme quantité, mais comme variété, des populations agricoles au regard des populations urbaines. Le paysan est enfermé dans la production des céréales, et celle des fruits et légumes les plus essentiels n’est pas encore spécialisée, sortie du domaine domestique pour entrer dans celui de l’échange, sauf sur certains points et pour l’alimentation des cités seulement. Seule l’organisation du travail agricole par l’association des producteurs pourra mettre le villageois sur le plan alimentaire du citadin, en même temps que réduire le coût de la nourriture par l’abondance et la variété des denrées. Remercions Fourier d’avoir donné toute son importance au problème et pressons les socialistes d’en rechercher la solution. Son génie, ici, n’a pas été en défaut.

Pour fonder le premier phalanstère qui suscitera l’étonnement et l’admiration de tous et sera rapidement imité sur toute la surface du globe, Fourier s’adresse à tous indistinctement, rassure et allèche tous les intérêts. La propriété est « plus menacée que jamais » par « les sectes Saint-Simon et Owen », car « la philosophie ne garde plus de mesure ». Fourier lui indique le salut : « Elle trouve dans ma découverte, dit-il, toutes les garanties dont elle est privée. « Les émigrés demandent un milliard d’indemnité : qu’ils appuient son système et ils auront vite acquis des richesses incalculables. Les libéraux veulent réaliser leur programme politique : qu’ils adoptent ses plans, et tout leur sera facile. « On voit les Anglais dépenser en frais d’élection 600 000 francs. » Avec cette avance, l’un d’eux « obtiendrait le sceptre omniarchique et héréditaire du globe. »

Fourier indique aux chefs des partis vaincus, le moyen de « se relever par un coup d’éclat ». Et quant aux « vrais libéraux », il leur promet le « triomphe » s’ils oublient leurs « intrigues électorales », et la « honte » s’ils se laissent « distancer par les vaincus. » Les nouveaux États-Unis d’Amérique pourraient « policer subitement leurs sauvages » et la Russie émanciper les serfs « avec assurance de grand bénéfice » pour les seigneurs.

Comment les proscrits italiens et espagnols ne voient-ils pas dans le système