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12 juillet, Cavaignac, Marrast, Vignerte, Guinard et quelques autres se glissaient dans un caveau communiquant avec le dehors par un trou creusé dans le sol, et passaient à l’étranger.

Voyant qu’il était impossible de conserver les formes ordinaires de la justice avec des accusés aussi résolus à ne pas se laisser juger, la Cour rendit le 13 un arrêt de disjonction et condamna les accusés de Lyon. Ils furent tous frappés, au nombre de quarante-neuf, de peines allant de la déportation perpétuelle à une année de prison. Six d’entre eux seulement bénéficièrent de ce minimum. Baune, Antide Martin, Albert Hugon, Reverchon, Lafond, Desvoys étaient condamnés à la déportation, Lagrange à vingt ans de détention. Caussidière à dix ans, Carrier à cinq ans.

Chaque année l’anniversaire des journées de juillet rappelait au nouveau pouvoir, par une agitation populaire, qu’il était né d’une révolution. Mais cette année-là le parti républicain était disloqué, terrorisé, ses chefs emprisonnés ou en fuite. Le bruit courait que, cependant, la manifestation aurait lieu, mais sous la forme d’un attentat. Ce pressentiment ne fut pas trompé.

Le 30 juillet, au moment où le roi entouré de sa famille passait sur le boulevard du Temple pour se rendre à la cérémonie anniversaire qui se célébrait sur la place de la Bastille, une machine infernale éclatait à la hauteur du numéro 30, tuant ou blessant mortellement dix-neuf personnes, en blessant moins grièvement vingt-trois autres. Mais le roi était sauf.

Bientôt l’auteur de l’attentat fut pris et connu. Grâce à ses révélations et à celles de sa maîtresse, ses complices furent arrêtés. Lui était un Corse qui vivait à Paris, sous le nom de Gérard. Son vrai nom était Fieschi. Il s’était engagé tout jeune dans l’armée napolitaine, avait été fait sergent et décoré pour sa bravoure. Il avait ensuite trahi le roi Murât pour le compte des Autrichiens, était passé à Marseille où, en 1819,il avait été condamné à dix ans de prison pour vol. En 1830 il est à Paris, muni de faux papiers au nom de Gérard ; il se fait passer pour condamné politique et obtient des secours en cette qualité.

Nommé agent secret, gardien du moulin de Croulebarbe. il perd son emploi, car des rapports faits sur lui l’ont rendu suspect. Même à un moment, on le cherche pour l’arrêter, car il est en rupture de ban. Il se réfugie chez Pépin, un épicier que ses protestations républicaines ont gagné. Tel est l’aventurier de petite envergure, aux trois quarts déséquilibré, profondément amoral, — il a pris la fille de sa maîtresse, une enfant de quinze ans, — qui entreprend de modifier, comme l’autre Corse, les destins de notre pays. Hégésippe Moreau dit alors que la différence fut petite, à l’origine, entre Fieschi et Napoléon. C’est injuste pour celui-ci : Fieschi ne s’éleva jamais au dessus de la trahison subalterne et il y eut de son compatriote à lui la différence d’un grand rapace à un pillard de basse-cour, renard ou putois. Lorsqu’il visa haut, il visa en assassin qui veut sauver sa peau, manqua son coup et fut pris tout de même.

Pépin, l’épicier, était au nombre des complices de Fieschi. Il avait combattu