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qui n’étaient pas impliqués dans les poursuites furent inscrits sur la liste des défenseurs.

Voyant que, par un tel choix, les accusés s’apprêtent à se transformer en accusateurs, la Haute Cour leur fait savoir par son président Pasquier qu’elle n’admettra comme défenseurs que des avocats. Les accusés protestent. Le barreau de Paris et presque tous les barreaux de France s’associent à leur protestation, au nom de la liberté de la défense. La Cour dut donc renoncer à les pourvoir d’avocats d’office comme elle y avait d’abord songé.

Le comité des défenseurs s’organisa. Mais, dans ses séances, Michel (de Bourges) le fit se prononcer pour l’abstention, pour le silence dédaigneux devant des ennemis qui ne pouvaient être des juges. Jules Favre protesta en vain contre cette tactique déplorable qui faisait avorter le congrès républicain projeté, et qui, à ses yeux, avait le tort plus grave de compromettre la cause des accusés lyonnais qui lui avaient confié leur défense. Il voulait dire aux juges, au public, au monde entier, du haut du prétoire, la misère des ouvriers lyonnais et les provocations de leurs ennemis. Et voilà qu’on lui fermait la bouche. Il refusa, au nom des défenseurs des accusés de Lyon, d’accepter la consigne du silence.

Michel (de Bourges) avait ses raisons. La défense était pour la plupart absolument illusoire, puisqu’on ne laissait qu’une journée aux défenseurs pour s’accorder avec les accusés. Une nouvelle réunion des défenseurs eut lieu chez Blanqui. Michel (de Bourges), qui s’était rendu avec Jules Favre auprès des détenus lyonnais, y rendit compte d’une querelle qu’il avait eue avec le jeune avocat, à qui ses clients, très particularistes, et désireux d’être défendus comme ils le désiraient, donnaient raison. Jules Favre étant survenu, la querelle avait recommencé avec une violence inouïe et il quittait la réunion, résolu à ne pas se conformer à la décision prise par le comité des défenseurs.

Le procès commença le 5 mai 1835. Les accusés proposèrent à la cour une liste de treize défenseurs non avocats. La Cour refusa par un arrêt motivé, qui souleva un tumulte. Le lendemain, Cavaignac se lève pour protester contre l’arrêt de la veille. Nouveau tumulte. La séance est levée, et le 7 elle s’ouvre sur le réquisitoire de Martin (du Nord), procureur-général. Cette fois les accusés gardent le silence, sauf l’un d’eux, Baune, qui s’est levé et lit en même temps d’une voix forte le réquisitoire des républicains contre leurs juges prétendus.

Le réquisitoire de Martin (du Nord) contenait une iniquité juridique criante. Il proposait de juger par catégories séparées les accusés réunis dans le même acte d’accusation. On discuta vivement en chambre du conseil, et finalement les pairs reculèrent devant le procédé qui leur était proposé. Ils décidèrent cependant que si un accusé troublait l’audience, on pourrait le juger en son absence. Cette décision amena la retraite de deux pairs : MM. de Noailles et de Talhouet.

À l’audience du 9, nouvelles protestations des accusés informés de cette décision. À chaque audience on en ramène quelques-uns, et le 13 il ne reste plus que les vingt-trois Lyonnais qui acceptent les débats. Louis Blanc affirme que cette fu-