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talement étranger aux affaires, les siennes propres le préoccupaient surtout. « Elles étaient alors en si mauvais état, nous dit l’écrivain monarchiste, qu’à peine nommé, une multitude de petits créanciers vint faire saisie-arrêt sur son traitement. » Regrettons pour eux que le duc de Bassano n’ait fait que passer au ministère.

Il avait pris l’Intérieur. Il donna la Marine à Charles Dupin ; l’ainé s’étant adroitement défilé, on se rabattait sur le cadet. Les autres ministres étaient également des doublures. Seul Persil restait de l’ancien ministère. Ce paradoxal cabinet, qui était l’œuvre personnelle du roi, souleva une telle risée que, le lendemain ayant compris enfin, il faisait appeler Thiers pour se livrer entre ses mains et lui demander de former un ministère. Deux jours après, le ministère démissionnait et entrait dans l’histoire anecdotique sous le nom de ministère des trois jours. Vainqueurs, Thiers et Guizot désignèrent le maréchal Mortier comme président du Conseil, et reprirent leur place dans le cabinet, qui fut constitué le 18 novembre.



CHAPITRE XII


LES PROCÈS D’AVRIL


Reconstitution du ministère Broglie-Thiers-Guizot. — Les préparatifs du procès des républicains. — Les défenseurs s’organisent en comité, puis décident de s’abstenir. — Audiences tumultueuses. — La protestation des défenseurs. — Ils sont poursuivis devant la Haute Cour. — Les accusés de Lyon acceptent d’être jugés. — L’attentat Fieschi. — Les lois de septembre. — Chute du ministère.


Le nouveau président du conseil resta quatre mois à peine aux affaires. Malade, il dut se retirer. Le duc de Broglie devint alors la carte forcée pour le roi, et le ministère du 11 octobre se trouva reconstitué en entier. Sa première rencontre avec l’opposition fut chaude. Les États-Unis nous réclamaient une indemnité, en réparation de dommages subis par leur marine lors du blocus continental. M. de Broglie avait reconnu cette dette et ses négociations avaient réduit à vingt-cinq millions la réclamation du gouvernement de Washington. C’est sur le refus de ratification de ce traité par la Chambre que, l’année précédente, il avait quitté le pouvoir. Sitôt rentré en possession du portefeuille des affaires étrangères, il présenta de nouveau le malencontreux traité au vote des Chambres. Après neuf jours de débats au Palais-Bourbon, où trente-cinq orateurs se succédèrent à la tribune, le duc de Broglie l’emporta, et le traité fut ratifié.

La Chambre des pairs n’avait pas manifesté la même opposition au traité franco-américain. Elle était, d’ailleurs, toute aux préparatifs du grand procès politique en vue duquel elle venait d’être instituée en tribunal suprême. Sur 2000 citoyens impliqués dans les poursuites, l’accusation en avait retenu 164. On dut