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furent acquittés pour la plupart, et quelques-uns se virent infliger une amende de vingt-cinq francs. Ils avaient été défendus par Jules Favre.

Quelle était donc l’organisation du Devoir Mutuel ? D’abord, indiquons son but, tel qu’il était indiqué aux articles 1 et 2 du règlement : « améliorer progressivement » la « position morale et physique » des « chefs d’atelier de la fabrique de soie de Lyon. » En conséquence, les associés s’engageaient : « 1o à pratiquer les principes d’équité, d’ordre et de fraternité ; 2o à unir leurs efforts pour obtenir de leur main-d’œuvre un salaire raisonnable ; 3o à détruire les abus qui existent en fabrique à leur préjudice ainsi que ceux qui existent dans les ateliers ; 4o à se prêter mutuellement tous les ustensiles de leur profession ; 5o à s’indiquer tout ce qui est relatif à leur industrie, et principalement les maisons de commerce qui auraient des commandes ; 6o à établir des cours de théorie pratique, où chaque membre pourra venir prendre des leçons pour améliorer et simplifier les montages de métier ; 7o en achetant collectivement les objets de première nécessité pour leur ménage. »

On le voit, toutes les fonctions du syndicat, organe de défense, de renseignements, d’aide et d’éducation professionnels, étaient réunies dans le Devoir mutuel. Ils n’y en ajoutaient qu’une qui leur était étrangère, et ce n’était pas le secours, de maladie, mais la coopérative de consommation. Il était bien accordé des secours à ceux des membres « qui se trouveraient dans un état complet de détresse », ou qui seraient victimes d’un « accident grave ou imprévu », mais il fallait que « cet état ne provienne de leur faute ni des chances commerciales ». En regard, le droit à une « indemnité, » était reconnu « à tous les membres qui, pour cause d’intérêt général, » seraient « obligés de se soumettre aux sacrifices qui leur seraient imposés par le Devoir. »

Les discussions religieuses et politiques étaient interdites, les membres étaient divisés en deux classes : les maîtres et les compagnons. Ceux-ci, après un stage d’au moins un an, passaient maîtres et avaient part aux fonctions de l’association, mais nulle délibération ne pouvait être prise sans la réunion des maîtres et des compagnons. L’association se divisait en indications, ateliers, petites fabriques et grandes fabriques ; une indication se composait de cinq membres ayant à sa tête un indicateur, qui transmettait à ses quatre camarades les ordres du chef d’atelier, dont le groupe, composé de vingt membres, était subordonné au président de la petite fabrique. Une petite fabrique se composait de cinq ateliers et cinq petites fabriques formaient une grande fabrique dont le président correspondait avec le conseil d’administration.

Un des fondateurs du Devoir mutuel, Pierre Charnier, figurait le « plan symbolique » de l’association dans sa forme primitive, qui était de dix-sept groupes de vingt associés chacun, par « une demi-circonférence au centre de laquelle se trouve un œil, accompagné de deux yeux plus petits ; ces trois signes représentent le directeur et les deux sous-directeurs ; l’administration se complète par clé et plume : le trésorier et le secrétaire. De l’œil central partent dix-sept rayons, repré-