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Le comte de Ludre apporta à la tribune son adhésion aux doctrines politiques et sociales de ses amis. Dans la fureur de la Chambre se distinguait celle de Charles Dupin, qui, par trois fois, répéta que la République « traînerait la patrie dans le sang », ce qui amena Garnier-Pagès à la tribune. Selon sa méthode et ses principes de conciliation sociale, il y vint affirmer que le suffrage universel ne profiterait pas moins aux patrons qu’aux ouvriers.

Les discussions étaient vives dans le comité des Droits de l’Homme, où les modérés étaient en majorité ; mais leurs adversaires gagnaient sensiblement la majorité dans les sections. Kersausie, membre du comité, avait formé une association dans l’association, avec Barbès, Sobrier et quelques autres amis. Ses collègues lui en firent des reproches très vifs ; mais sous la pression des sections et pour éviter une scission, ils le laissèrent maître d’organiser des sections distinctes réunies en un corps, appelé société d’action, divisé en centuries, décuries et quinturies. Ce corps, organisé secrètement, était discipliné sous la règle de l’obéissance absolue aux chefs et d’une ignorance non moins absolue de leurs projets.

Lorsque ses collègues du comité des onze, l’accusant de « rattacher l’association à sa dictature », lui avaient demandé des explications, il s’était, dit le policier de la Hodde, expliqué sans réticences : « la direction des Droits de l’Homme lui semblait trop molle, beaucoup de sections n’étaient pas sûres, la police voyait clair dans les réseaux de l’association ; il lui avait paru indispensable de remédier à ces trois vices. La société d’action ne voulait pas dissoudre, mais fortifier l’armée des Droits de l’Homme. »

Force fut d’accepter les explications et le fait lui-même, ou de laisser la société se couper en deux. Rompre avec Kersausie et ses amis, « c’était se priver des forces vives du parti ». On l’accepta donc comme chef d’un corps distinct, « mais à la condition de s’entendre avec ses collègues du comité, et de ne prendre les armes que sur une décision de tous les membres ».

Les groupes de Kersausie étaient en effet uniquement organisés en vue de l’action révolutionnaire ; aussi la discipline en était-elle militaire et des revues fréquentes étaient passées de ce contingent, toujours prêt à l’action. « À de certains jours, dit de la Hodde, les passants trouvaient le boulevard et d’autres lieux de grand passage occupés par des troupes de promeneurs silencieux, que rassemblait quelque but inconnu. »

Il ajoute que personne n’y comprenait rien, si ce n’est la police, dont le métier est de comprendre toute chose (sic). Et le policier prouve qu’en effet il remplit son métier en conscience, si ce mot peut trouver ici son application.

Qu’était-ce donc que ces groupes ainsi rassemblés ? « C’était une revue que passait le chef de la société d’action. Il arrivait, accompagné d’un ou deux aides de camp, allait au chef de l’un des groupes, qu’un signe lui faisait reconnaître, jetait avec lui un coup d’œil sur les sectionnaires, recevait les nouvelles, donnait ses ordres et suivait son chemin pour recommencer plus loin le même manège. Les agents mis à ses trousses le voyaient glisser à travers la foule et jouer son rôle de général ins-