qu’aucune loi n’a stipulé des obligations relatives au fait de salubrité et d’embellissement. Par exemple : qu’une ville achète et abatte quelque îlot de masures qui masquaient quatre rues… Il est certain que les quatre maisons des côtés adjacents acquerront beaucoup de valeur… Elles devront, en bonne justice, partage de bénéfice à la commune… Cependant, aucune loi ne les astreint à l’indemnité de moitié du bénéfice obtenu. »
La Chambre, exceptionnellement laborieuse dans cette session, votait en juin la loi sur l’instruction primaire, dite du 28 juin 1833, présentée par Guizot. Le problème était difficile à résoudre : d’une part, il fallait céder aux exigences du parti libéral qui avait tant protesté contre l’obscurantisme de la Restauration ; d’autre part, il ne fallait pas mettre aux mains de la classe ouvrière un instrument d’émancipation aussi formidable, aussi puissamment irrésistible, que le savoir positif et réel. La difficulté, cependant, n’était pas pour embarrasser un doctrinaire. Quoique protestant, c’est-à-dire par définition partisan de l’instruction populaire, il n’avait aucune hostilité contre le catholicisme, dont il appréciait hautement la fonction de gendarmerie spirituelle. Il l’avait déclaré en 1832. Sa loi lui donna l’occasion de le prouver.
La loi qui organisait l’enseignement primaire, jusque-là laissé à l’arbitraire des communes et des particulière, imposait dorénavant aux communes l’obligation d’entretenir des écoles publiques ; les particuliers demeuraient libres d’ouvrir des écoles privées sans autres conditions que d’être âgés de dix-huit ans et d’être pourvus d’un certificat de moralité et de capacité délivré non par les autorités enseignantes, mais par le maire et par trois conseillers municipaux. L’enseignement devait comprendre d’abord les principes de la religion et de la morale, ensuite la lecture, l’écriture, le calcul, les éléments de la langue française et le système décimal.
Des écoles primaires supérieures étaient instituées en même temps. Quant aux filles, rien pour elles encore. De la gratuité, pas un mot, sauf pour les enfants indigents et sur un vote des conseils municipaux. De l’obligation, encore moins. « Forcer le père à mourir de faim pour instruire le fils, dit Louis Blanc, n’eût été qu’une dérision cruelle. » Et il part de là pour « faire sentir combien toute réforme partielle est absurde, et qu’il n’y a d’amélioration véritable que celle qui se lie à un ensemble de réformes constituant une rénovation sociale, profonde, hardie et complète ». Il devait vivre assez, cependant, pour donner lui-même un démenti à cette thèse, caressée aujourd’hui encore par certains socialistes qui se croient révolutionnaires parce qu’ils méprisent les « réformettes », et voter la loi de 1882 sur l’enseignement obligatoire. Dans leur intense désir d’opposer au mal qu’ils constatent le bien qu’ils proposent, les socialistes tombent dans le travers d’épouser les thèses, pessimistes jusqu’à la démagogie, des conservateurs, qui ne critiquent le présent que par regret d’un passé pire encore.
Les récriminations entendues par les inspecteurs généraux de l’enseignement au moment où se discute la loi de 1833 sont intéressantes à rapporter. « Quand tous les enfants du village sauront lire et écrire, où trouverons-nous des bras ? »