Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rant à trois ans de prison. C’est à ce moment qu’il cessa de paraître, épuisé par les amendes qui vidaient sa caisse.

Dans la même session, la cérémonie expiatoire du 21 janvier fut supprimée. On ne voit pas bien, en effet, le fils de Philippe-Égalité présidant à cette amende honorable instituée par la Restauration. Dans la même session également, le divorce fut rétabli.

Le 10 juin était promulguée la loi sur les conseils généraux et d’arrondissement. Le progrès fut mince, et toutes les précautions furent prises pour que le conseil d’arrondissement n’eût rien à faire, et que le conseil général fût dans la dépendance du pouvoir central. Un cens élevé d’éligibilité fut fixé, mais on fut bien forcé d’admettre à l’électoral, faute de citoyens payant le cens dans les communes pauvres, les plus imposés de la commune. Cela, on s’en doute bien, ne révolutionna rien.

Une loi qui eût pu être révolutionnaire, si elle avait été faite par une autre assemblée et dans un autre esprit, c’est la loi du 20 juin sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. On adopta naturellement le système qui fonctionne encore aujourd’hui avec les modifications apportées par la loi de 1841, « système pitoyable, dit justement Louis Blanc, qui conviait les propriétaires à exagérer, au gré de leur avidité commune, le prix des propriétés dont l’État avait besoin. »

Dans la discussion de cette loi, un député proposa que la plus-value donnée aux propriétés par les travaux publics résultant de l’expropriation serait défalquée de l’indemnité allouée au propriétaire en paiement de la partie de propriété dont on le dépossédait. Cette proposition fit pousser les hauts cris dans les deux Chambres par tous les théoriciens et les praticiens de la spéculation sur les terrains.

Quoi de plus légitime, cependant, qu’une telle proposition, dont le principe se trouve dans la loi de 1807. « Lorsque, dit l’article 30 de cette loi, par l’ouverture de nouvelles rues, par la formation de places nouvelles, par la construction de quais… des propriétés privées auront acquis une notable augmentation de valeur, ces propriétés pourront être chargées de payer une indemnité qui pourra s’élever jusqu’à la valeur de la moitié des avantages qu’elles auront acquis. »

C’est du principe que s’inspirait à la même époque Fourier, qui n’était pas juriste et ignorait profondément la loi de 1807, lorsqu’il s’indignait de voir « l’avarice, meurtrière » des « vandales » construire à Paris « des maisons malsaines et privées d’air, où ils entassent économiquement des fourmilières de populace. Protestant au nom de « l’utilité générale », au nom des « libertés collectives » qui gênent les libertés individuelles » et « les prétentions à l’égoïsme », il trouve odieux que « l’on décore du nom de liberté ces spéculations assassines ».

Sa conception réaliste de la liberté, qui est un fait social, lui dicte la bonne solution, proposée encore aujourd’hui, et qui attend en France les réalisations déjà accomplies en Angleterre et en Nouvelle-Zélande :

« Un indice de l’esprit faux et de l’impéritie qui régnent à cet égard, dit-il, c’est