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nait les armes pour soutenir le droit divin de son fils se mésalliait elle-même ? Les royalistes étaient consternés, le vieux roi Charles X exaspéré. Dans cette répugnante affaire, Louis-Philippe se comporta odieusement envers sa parente, qui avait vainement supplié la reine Marie-Amélie de lui épargner la honte qu’on s’apprêtait à lui infliger par raison d’État. Il laissa faire son ministre, et ne la relâcha que déshonorée aux yeux de la légitimité, de la quasi légimité et de toute la bourgeoisie du temps.

L’année 1833 commençait dans le calme. Guizot déclarait le 13 février à la tribune de la Chambre que tout allait bien. « Les émeutes sont mortes, disait-il, les clubs sont morts, la propagande révolutionnaire morte ; l’esprit révolutionnaire, cet esprit de guerre aveugle, qui semble s’être emparé un moment de toute la nation, est mort. » Le croyait-il réellement, ou voulait-il plutôt donner à la Chambre l’impression qu’elle se trouvait en face d’un pouvoir qui avait su dompter l’hydre de l’anarchie ?

Dans la presse, même optimisme. Les affaires vont bien, celles de la bourgeoisie, s’entend, et les Débats du 8 juin affirment que, « de l’aveu de tout le monde, jamais le commerce n’a été aussi florissant ». Le journal des satisfaits ajoute : « Le travail abonde ; la misère, entretenue pendant près de deux années par les entreprises désespérées des factions, a disparu. »

Il ne faut pas nier que la prospérité du commerce ait un lien étroit avec la situation du peuple, car il est le grand consommateur. Il est certain que cette année 1833 marque une reprise. Les grèves elles-mêmes, exceptionnellement nombreuses à ce moment, en sont une preuve. Les ouvriers, en effet, ne se mettent pas en grève dans les périodes de chômage. Mais l’optimisme des Débats, sans même parler de la prétendue disparition de la misère, est cependant un peu forcé.

Martin Nadaud va nous dire ce qu’il en est pour les ouvriers du bâtiment, et l’on sait que, suivant l’expression légendaire, lorsque le bâtiment va, tout va. « J’ai vu, dit-il, pendant les soixante ans que j’ai habité Paris ou Londres, les ouvriers du bâtiment supporter de bien douloureuses crises ; mais aucune, excepté celle de 1848, ne saurait être comparée à celle de 1833-1834. »

La misère disparue, au dire des Débats, voici que soudain elle reparaît, frappant un des hommes les plus riches du pays. L’émotion est grande lorsqu’on apprend la mise en vente de l’hôtel Laffitte, le financier étant descendu du pouvoir à peu près ruiné. Cette nouvelle dut faire sourire M. Thiers, bien résolu à ne pas se ruiner dans la politique.

L’opposition accusa le roi d’ingratitude envers celui qui lui avait donné le trône. Un journal ministériel, le Bonhomme Richard, évalua à vingt millions les sommes données à Laffitte pour l’aider à se tirer d’embarras, tant par la Banque de France que par le roi et le Trésor. « On voit par là, dit Dupin (Mémoires) que si M. Laffitte a rendu service à la révolution de Juillet, on n’a point été ingrat envers lui ».

Quoi ! Louis-Philippe aurait donné quelque chose ! de ses deniers ! Il aurait