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entre les libertés relatives acquises par les deux pays n’ayant pas été rapprochée, et on pourrait les adresser à ceux d’entre les socialistes français qui, moins équitables pour leur pays que leurs camarades allemands, ne voient aucune différence entre le régime « d’un Loubet » et celui « d’un Guillaume ».

Mais avant d’en venir à l’examen des actes du nouveau ministère à l’intérieur, voyons quelle fut sa politique extérieure. Elle débuta par un succès, grâce à l’entente tacite conclue avec le ministère libéral d’Angleterre. Nous avons vu au chapitre II de cette partie que l’armée française avait forcé les troupes du roi de Hollande à se retirer de la Belgique, qu’elles avaient envahi. Mais le roi Guillaume ne s’était pas résigné pour cela à accepter le traité des 24 articles qui, libérant la Belgique et délimitant les deux royaumes, fixait leur part respective dans la liquidation nécessaire.

Le ministère du 11 octobre décida de contraindre le roi de Hollande à s’exécuter, et le 29 novembre le maréchal Gérard mettait le siège devant Anvers, dont la citadelle était occupée par les troupes hollandaises, placées sous les ordres du général Chassé. Malgré l’intervention de la flotte hollandaise, la citadelle dut capituler, le 23 décembre. Les mesures militaires prises par les Français dans cette entreprise purent éviter à la ville un bombardement. La Belgique était tout entière rendue à elle-même, et les violences nécessaires pour atteindre ce but réduites au minimum.

L’Angleterre profita des avantages moraux et matériels que valait à la France cette première rature aux traités de 1815 pour demander à notre pays de s’associer à elle par une convention réprimant effectivement la traite des esclaves. Cette convention du droit de visite se définit par son titre même. Les nations contractantes se donnaient mutuellement le droit d’arrêter en mer tout navire suspect de pratiquer la traite.

L’esclavage, aboli par la Révolution française, avait été rétabli par la réaction consulaire. Les gouvernements réunis au Congrès de Vienne, en 1815, avaient cru aller jusqu’au bout de leur devoir en interdisant la traite. Mais nulle sanction n’appuyait en réalité leur décret, non plus que celui des États-Unis, qui l’avait abolie dès 1808. Sous la pression de l’opinion publique, le ministère anglais venait, le 28 août 1833, d’abolir l’esclavage dans ses colonies. C’est alors qu’il proposa au gouvernement français de signer avec lui une convention sur le droit de visite. Celui-ci ne crut pas devoir se refuser à un acte d’humanité et de justice qui couronnait la glorieuse carrière du vieux Wilberforce, l’apôtre anglais de l’affranchissement des esclaves.

Cette convention qui devait être, plus tard, l’objet de tant de récriminations furieuses contre le gouvernement de Louis-Philippe et considérée comme une honteuse abdication de la France devant l’Angleterre, passa presque inaperçue au moment où elle fut conclue. Tout en gémissant sur la politique « de condescendance et de peur », qui décida le gouvernement à le signer, Louis Blanc reconnaît la justice du principe dont il s’inspirait.