Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Riaillé, les insurgés se dispersent ; mais non pour se reformer comme au beau temps, désormais révolu. Leur gloire s’élève à la mesure de leur infortune dans l’héroïque défense du château de La Pénissière. Ce sont les dernières étincelles de ce qui fut naguère un terrible incendie.

La princesse s’enfuit à Nantes, déguisée en paysanne, et y reste cachée jusqu’au 6 novembre chez les demoiselles de Guigny. C’est là que le traître Deutz devait la découvrir, et pour cent mille francs la livrer à Thiers.

Désormais, le parti légitimiste cessera d’être l’agent actif, le pivot de la conservation politique, religieuse et sociale. Il s’enfermera dans les salons du faubourg Saint-Germain et ses châteaux de province, et lorsqu’aux jours d’agitation il en sortira pour caresser de séniles espérances d’une main qui n’ose se montrer, ce sera pour se mettre à la suite des troupes doctrinaires, cléricales ou bonapartistes, au profit desquelles doit se faire l’œuvre de réaction. Et, sauf nobles exceptions, il ne boudera les nouveaux venus que pour donner à son concours un plus haut prix.



CHAPITRE VII


LE DROIT DE VISITE


Le ministère du 11 octobre (duc de Broglie-Guizot-Thiers). — Premier attentat sur Louis-Philippe. — Poursuites contre la presse et les sociétés populaires. — Siège d’Anvers et prise de la citadelle. — La répression de la traite des noirs. — Première ébauche de l’entente cordiale. — Les affaires d’Orient, de Portugal et d’Espagne. — Avènement d’Isabelle II. — L’insurrection carliste. — Mazzini : l’expédition de la « Jeune Italie » en Savoie.


Depuis quatre mois, Louis-Philippe était aux anges. Débarrassé de Casimir Perier, il était de fait président du conseil des ministres. Ce pouvoir personnel qu’il affectionnait tant, et qui devait le mener si loin, jusqu’à l’exil, lorsqu’il l’exercerait par la docilité morose et fière de Guizot, il en joui.ssait délicieusement. Mais l’automne venait, ramenant à Paris les députés, et ceux-ci, tout chauds encore du contact avec leurs électeurs, ne se gênaient pas pour dire que si, à la rentrée de la Chambre, le ministère se présentait sans chef, la Chambre le renverserait.

Louis-Philippe dut entendre, quel que fût son entêtement, et il était grand. Déjà, en juin, Dupin lui avait donné un avertissement en refusant le ministère de la justice dans un cabinet sans président responsable devant les Chambres. Louis-Philippe avait bien essayé de lui faire accroire qu’en réalité ce serait lui. Dupin, qui aurait la présidence de fait, puisque le garde des sceaux était premier dans l’ordre des ministres. Dupin eut beau jeu à masquer sous le respect du principe parlementaire sa répugnance à faire partie d’un ministère qui devait être renversé