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CHAPITRE II


PREMIERS TATONNEMENTS


Les briseurs de machines et la grève des imprimeurs. — Déclarations et menaces du nouveau pouvoir. — Attitude embarrassée des républicains devant l’agitation ouvrière. — Les hommes du mouvement et ceux de la résistance. — La manifestation des quatre sergents de la Rochelle et les alarmes conservatrices. — L’affiche des « Amis du Peuple » pose la question sociale. — La garde nationale envahit le local des « Amis du Peuple » et disperse leurs réunions.


Sur ces entrefaites, s’occupant de choses infiniment plus pratiques, Louis-Philippe était proclamé roi des Français, jurait la Charte en s’écriant, à l’adresse de ceux qui demandaient les garanties promises : « On ne m’en demandera jamais autant que je suis disposé à en donner ».

Dans les théâtres, la Parisienne, appelée d’abord la Marche française, due à la pâle et chétive muse de Casimir Delavigne, remplaçait la Marseillaise et faisait de la colonne Vendôme un énorme mirliton libéral.


…C’est la liberté des Deux-Mondes,
C’est Lafayette en cheveux blancs.
…Les trois couleurs sont revenues.
Et la colonne avec fierté
Fait briller à travers les nues
L’arc en-ciel de la liberté.
Soldat du drapeau tricolore,
D’Orléans, toi qui l’as porté,
Ton sang se mêlerait encore
À celui qu’il nous a coûté…


Barthélémy et Méry, de leur côté, saluaient le soleil levant par un poème intitulé l’Insurrection, qui se terminait par ce vers :


Un roi qu’un peuple nomme est le seul légitime.


Cet alexandrin était une bonne « galéjade » des deux auteurs marseillais. Le peuple avait fait la place nette, mais il n’y avait en réalité appelé personne. Ce fut la bourgeoisie, dans sa portion organisée et dirigeante, qui, par crainte de la démocratie, fit avorter le mouvement républicain.

Elle ne put éviter un autre mouvement, convulsif et désordonné encore, animé d’instincts plus que de pensée, à coup sûr moins immédiatement périlleux,