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leur avis sur la crise ouvrière, l’hérédité de la pairie, l’insurrection de Lyon, enfin s’attirer par leur propagande toute pacifique la haine d’un gouvernement ennemi des idées, haine qui se traduisit le 22 janvier 1832 par des poursuites pour infraction à la loi sur les associations non autorisées. Avant de rendre compte de ce procès, où l’on tenta vainement de déshonorer la doctrine en représentant les saint-simoniens comme une congrégation attentive à capter les héritages, il est nécessaire de montrer le saint-simonisme en fonction de propagande, en élaboration d’idées depuis le lendemain des journées de juillet jusqu’au moment de leur proscription.

La révolution avait eu ce résultat que le saint-simonisme, jusque-là enfermé dans les salons de la rue Monsigny, s’était répandu sur la place publique, non pour y faire de l’agitation, mais pour prêcher à tous la nouvelle parole. Aux Hippolyte Carnot, Ed. Charton, d’Eichthal, Michel Chevalier, Laurent, Cazeaux, Transon, Rességuier, Percin, Ch. Duveyrier, Buchez, Isaac Pereire, vinrent se joindre des propagandistes ardents, instruits, qui permirent bientôt de créer simultanément neuf « enseignements » de la doctrine, « les uns publics, les autres consacrés aux membres de certaines professions particulières. »

L’« enseignement central », avait lieu rue Taitbout, tous les jeudis, et comprenait « un coup d’œil sur l’avenir réservé à la société, la mission de Saint-Simon et celle de ses disciples, l’historique rapide du développement de l’humanité, » et de plus « l’histoire de l’industrie » et l’étude des « bases de son organisation dans l’avenir », les « vues de la doctrine sur la science » et « la législation considérée comme moyen d’éducation ». Cet enseignement était donné par Carnot et Dugied, directeurs, et par Guéroult, Lambert et Simon.

L’« enseignement de l’Athénée », divisé pour les matières à peu près comme l’enseignement central, était donné tous les mercredis soir à huit heures, par Simon, directeur, assisté de Baud, Guéroult, Benoist, Ribes et Massel. Dans le même local, l’après-midi du dimanche était consacrée au troisième enseignement, où l’on choisissait comme texte « quelques-uns des articles principaux du Globe, tantôt une question de politique ». Cet enseignement, toujours suivi de discussion publique, était dirigé par Simon, aidé par les membres de divers enseignements.

Au quatrième enseignement, qui se donnait rue Taranne, on n’était admis que sur la présentation de cartes distribuées au siège de l’association. « Les différents sujets de la doctrine » y étaient traités « selon les besoins de l’auditoire ». Le cinquième enseignement qui se donnait tous les lundis soir à l’Athénée avait ce même caractère, mais était public. Dans la même salle, le samedi soir, le sixième enseignement était destiné « aux hommes qui s’occupent de l’étude des sciences ». Rue Taitbout, tous les lundis soir, on s’adressait aux artistes. Le musicien Liszt y participa ; également Henri Heine, mais il ne fit que passer. Le génie du poète était trop essentiellement révolutionnaire et négateur pour se complaire à ces tâches de reconstruction systématique, et son esprit trop ironiquement critique pour s’incliner devant une religion nouvelle autrement que pour la voir de plus