tout occupé d’organiser l’embauchage des ouvriers et qui avait les poches pleines d’or au moment où on l’arrêta. Car les conspirateurs furent pris au moment où, réunis dans un restaurant de la rue des Prouvaires, ils allaient donner l’ordre à leurs troupes de se diriger sur les Tuileries. Malgré les moyens dont elle disposait, cette conjuration comptait un trop grand nombre d’affiliés pour que quelques traîtres ne se fussent pas glissés dans leurs rangs, d’autant que parmi ces conjurés l’or des uns avait été l’appât des autres. Poncelet, qui pouvait compromettre deux maréchaux de France et un certain nombre d’hommes en vue, fut admirable de discrétion, et les tribunaux n’eurent à juger que des comparses. Il s’était mis dans le complot par déception : la révolution de 1830 n’ayant pas répondu à ses espérances, il s’était tourné vers les carlistes. Du moins, ce Gribouille fut-il désintéressé. Il se laissa condamner à la déportation avec une demi-douzaine d’hommes aussi obscurs que lui. Le jury fut clément pour les autres accusés, qui s’en tirèrent avec des peines de un à cinq ans de prison.
Si les républicains ne furent en rien mêlés au complot de la rue des Prouvaires, et si celui des tours Notre-Dame leur est moins imputable qu’aux agents de Gisquet, est-ce à dire qu’ils étaient inactifs ? Nous savons déjà qu’ils ne réprouvaient pas les moyens violents. Et comment les eussent-ils réprouvés ? Ne venaient-ils pas d’être frustrés des bénéfices d’une révolution par ceux-là mêmes qui les avaient appelés aux armes ? N’étaient-ils pas en droit de reprendre par la force ce que la force aidée de la ruse et du mensonge leur avait escamoté ? Où donc était la meilleure des républiques que leur avait promise le roi-citoyen ? Ne s’était-il pas empressé de chasser des abords du trône, à mesure qu’il se consolidait, les républicains Dupont (de l’Eure) et Lafayette, puis d’éloigner les hommes du mouvement avec Laffitte, pour faire appel aux hommes de la résistance ? Ce qu’une révolution avait défait, une autre révolution pouvait le défaire encore. Et puisque insensiblement, par la quasi-légitimité, un Bourbon tricolore se bornait à continuer un Bourbon de drapeau blanc, il n’y avait qu’à recharger les fusils et attendre l’occasion qui permît de dépaver de nouveau les rues.
À mesure que la monarchie accentuait son caractère de résistance, les républicains accentuaient leur caractère de violence. Henri Heine constate la « guillotino-manie » dont ils étaient alors atteints. « C’est folie, dit-il, de ressusciter le langage de 1793 comme le font les Amis du Peuple, qui, sans le savoir, agissent dans un sens aussi rétrograde que les champions les plus ardents de l’ancien régime. Celui qui prend les fleurs rouges du printemps pour les rattacher aux arbres une fois qu’elles sont tombées est aussi insensé que cet autre qui replante dans le sable les branches fanées des lis. »
C’est fort justement dit. Mais il faut se rendre compte de l’état des esprits républicains à ce moment. Le peuple n’avait pas voix au chapitre, puisque le régime du cens continuait, à peine atténué, pas même corrigé un peu par l’adjonction des capacités. Il fallait donc agiter ce peuple, qui s’était si promptement rendormi au