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complot révélait son avortement dans des circonstances curieuses, et vraiment puériles, qui excitèrent contre la police une risée universelle. Car sa main maladroite apparut avec une telle évidence que ses chefs durent avouer le rôle misérable joué par elle dans ce qu’on a appelé le complot des tours Notre-Dame.

Le 4 janvier, dans l’après-midi, les Parisiens n’avaient pas été peu surpris d’entendre le bourdon de Notre-Dame sonner le tocsin. Les passants, attroupés sur le parvis, se demandaient où pouvait bien avoir éclaté l’incendie signalé d’aussi insolite façon. On se précipite, agents de police en tête. Dans l’escalier, la police est accueillie par des coups de pistolet qui n’atteignent personne.

On se saisit sans beaucoup de peine des « insurgés », qui avaient donné le « signal » à une insurrection absente. Un des conjurés, Considère, fut arrêté au moment où il tentait de mettre le feu aux charpentes. La machination policière, où quelques républicains naïfs avaient été entraînés, fut si évidente que, sur huit accusés, cinq furent acquittés.

Le complot dit de la rue des Prouvaires disposait de moyens plus sérieux, étant organisé par le parti royaliste. Si comme le précédent il n’eut pas d’agents de police parmi les instigateurs, du moins y en eut-il pour le déjouer. C’est le sort de tous les complots lorsque l’opinion publique elle-même n’est pas en conspiration avec eux.

Dans la nuit du 1er au 2 février, des chefs de groupe, qui avaient à leur disposition une force insurrectionnelle de deux à trois mille hommes, se réunissaient pour donner le signal d’un mouvement qui devait se diriger d’abord sur les Tuileries, où un bal réunissait les ministres et les chefs de toutes les grandes administrations. C’était un coup de filet admirable.

Qu’étaient ces chefs de groupe ? Des agents secondaires du parti légitimiste, profondément inconnus, qui depuis quelques mois parcouraient les quartiers ouvriers si durement éprouvés par la misère, et, en y semant de discrètes libéralités au nom de la duchesse de Berri, recrutaient une petite armée parmi les anciens domestiques, les artisans réduits à la famine par la suppression de l’ancienne cour, les ouvriers aigris par le chômage. D’anciens gardes du corps, quelques sous-officiers et garde-chasses formaient les cadres de la petite armée carliste qui devait surgir à l’improviste dans la joie tempérée d’une fête officielle et ramener Charles X aux Tuileries.

L’affaire était dangereuse, les conjurés ayant le nerf de la guerre, qui manqua toujours aux républicains dans les entreprises du même genre qu’ils tentèrent si fréquemment. Aussi Henri Heine, parlant du complot de la rue des Prouvaires, en disculpe-t-il plaisamment ceux-ci ; « car, fait-il, ainsi que me le disait dernièrement l’un d’eux : « Si tu entends rapporter qu’il y a eu de l’argent répandu dans une conspiration, tu peux compter qu’aucun républicain n’y a trempé ». Et l’auteur de la France ajoute cet éloge : « Dans le fait, ce parti a peu d’argent, car il se compose principalement d’hommes désintéressés ».

Ce n’était pas un républicain, en effet, ce Poncelet, un bottier qui s’était sur-