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s’étendit pas aux provinces placées directement sous la domination autrichienne. Rien ne bougeait encore dans cette partie, la plus riche et la plus populeuse de l’Italie du Nord. Le Piémont se tenait également à l’écart, le royaume de Naples sommeillait encore dans le farniente d’un despotisme à demi-familial, la Toscane industrieuse et populeuse demeurait inerte.

L’insurrection était donc limitée aux duchés créés par les traités de 1815, aux légations romaines et aux États du pape. Des gouvernements révolutionnaires s’étaient installés à Parme, à Reggio d’Emilie, à Modène, mais n’avaient entre eux aucun lien ; nulle action commune ne venait donner à ces mouvements la force qui leur laissât quelque chance de victoire.

Les Autrichiens devaient en avoir facilement raison. Ce fut l’affaire d’une démonstration militaire. La révolution vaincue et les peuples replacés sous l’autorité de leurs souverains, l’Autriche évacua les États pontificaux. Dans son discours de la couronne du 23 juillet, Louis-Philippe déclara que cette évacuation s’était faite sur sa demande. Ce fut la seule satisfaction qu’il offrit à l’opposition. Casimir Perier l’avait déclaré à la tribune : Toute autre intervention que celle-là eût servi « de masque à l’esprit de conquête ». Et il avait ajouté : « Le sang des Français n’appartient qu’à la France. »

Pour éviter le retour de semblables difficultés et assurer au pape la paisible possession de ses États, il avait décidé celui-ci à consentir quelques réformes et à accorder une amnistie aux insurgés. Le pape amnistia pour la forme et poursuivit son système d’inquisition de la pensée, de persécution à l’égard de toute velléité libérale. Quant aux réformes, il n’en octroya naturellement aucune.

Il fit tant et si bien que, quelques mois après, l’insurrection éclatait de nouveau. Les Autrichiens envahirent de nouveau les légations. Ce fut pour Casimir Perier l’occasion d’un coup de maître. Puisque l’Autriche protégeait les États du pape, la France les protégerait également. Le 22 février 1832, les troupes françaises débarquaient à Ancône et l’occupaient.

Il y eut un moment de vive émotion dans les cours. Bien que, dès son arrivée au pouvoir, Casimir Perier les eût pleinement rassurées, par des paroles et par des actes, sur ses intentions, pacifiques au dehors et conservatrices au dedans, elles ne pouvaient se défendre d’une certaine inquiétude. Elles savaient que Louis-Philippe avait en réalité dans ses mains la direction de la politique extérieure, mais il était terriblement sujet à caution, quels que fussent ses sentiments pacifiques et conservateurs.

En moins de dix-huit mois, il leur avait donné de chaudes alarmes par sa politique de duplicité. Les cabinets européens n’ignoraient rien de ses intrigues. Il avait bien abandonné à leur sort les libéraux espagnols ; mais il avait commencé par leur fournir des subsides et des armes. Il avait bien renoncé pour son fils à la couronne de Belgique ; mais il avait fait poser par ses agents la candidature du duc de Nemours. Il avait bien observé la plus absolue neutralité envers la Russie, mais ce n’était certes pas de son propre mouvement que son ambassadeur à Constantinople