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qui préoccupe si vivement les députés de la France, » il déclare que « l’anathème lancé par la glorieuse génération de 1789 obtiendra une sanction toujours croissante dans l’esprit des peuples ».

L’aristocratie ne se fait pas au scrutin ; on a beau tenter de « refaire une aristocratie de naissance », le « colosse féodal » a été « vaincu dans une bataille de quarante années », et « le patronage héréditaire a cessé depuis longtemps de convenir à la France », la société n’ayant « plus de raison d’obéir à d’anciens chefs qui ont perdu leurs titres et leurs droits au commandement ». Pourquoi faut-il qu’un si bel élan de pensée ait dévié quelques mois plus tard dans le mysticisme dont Laurent, dans le même discours, essaie de discriminer la doctrine, attaquée sur ce chef à la tribune de la Chambre par l’orateur libéral qui réclamait l’abolition de l’hérédité, de la pairie, tout en se défendant de toute solidarité avec les saint-simoniens !

Après une discussion longue et passionnée, la Chambre des députés vota cette abolition. Quelques jours plus tard, la Chambre des pairs sanctionnait. Treize membres quittèrent cette assemblée, et l’affaire ne fit pas autrement de bruit.



CHAPITRE II


LA REVOLUTION HORS DE FRANCE


Comment Casimir Perier entend le principe de la non-intervention. — Intrigues orléanistes en Belgique. — Le rôle de Talleyrand à la conférence de Londres. — L’expédition du maréchal Gérard en Belgique. — Démonstration navale devant Lisbonne. — L’insurrection polonaise : aristocrates, militaires et démocrates. — Défaite inévitable. — Les insurrections italiennes et l’occupation d’Ancône.


Dès les premiers moments l’attitude de Casimir Perier avait rassuré l’Europe conservatrice. Son prédécesseur avait bien proclamé à maintes reprises le principe de la non-intervention, mais c’était sur un tout autre ton que désormais ce principe allait être affirmé, par des actes et non plus par des paroles. Lorsque Laffitte faisait en termes généraux cette proclamation, les libéraux et les révolutionnaires, qui essayaient un peu partout en Europe de secouer le joug de l’absolutisme, entendaient que la France ne permettrait pas aux puissances de la Sainte-Alliance de se prêter un mutuel appui dans la répression des soulèvements populaires.

En Italie, surtout, les révolutionnaires des duchés et des légations interprétaient ainsi les déclarations du ministère du 2 novembre. Casimir Perier agit de manière à leur ôter rapidement toute illusion. Les cours européennes, de leur côté, eurent tout de suite le sentiment que le nouveau cabinet était résolu à calmer l’effervescence révolutionnaire de la France et à l’empêcher de déborder au dehors.