Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

blicains protestèrent, s’agitèrent, pétitionnèrent. On organisa des réunions où l’origine purement révolutionnaire de la jeune monarchie était affirmée avec véhémence. De nombreux titulaires de la médaille en arborèrent le ruban bleu à leur boutonnière, en protestation contre l’humiliante investiture à laquelle on voulait les astreindre. Poursuivis devant les tribunaux pour port illégal de décoration, ils furent acquittés.

On organise alors des banquets en leur honneur. La société des Amis du Peuple se multiplie, tient réunions sur réunions, dont les assistants se répandent ensuite par les rues, mettant la garde nationale sur les dents. Le 9 mai, à l’issue d’une de ces réunions, quinze cents manifestants se forment en colonne et défilent sur le boulevard au chant de la Marseillaise. Ils vont ainsi jusqu’à la place Vendôme, où la garde nationale les cerne facilement, mais est impuissante à les disperser. C’est alors que l’autorité militaire a cette lumineuse idée de noyer la manifestation sous le ridicule en dirigeant sur elle le jet de plusieurs pompes à incendie.

L’idée et l’exécution de ce haut fait ont été longtemps attribuées au maréchal Lobau. Le marquis de Flers, dans son Roi Louis-Philippe, les restitue à un autre. Dans une note qu’il date le soir même de Saint-Cloud, il rapporte que le roi lui a parlé des « pompes du général Jacqueminot », et il raconte l’affaire en ces termes :

« Un Russe, que le général Pozzo di Borgo m’a présenté ce soir, m’a dit qu’il avait assisté aux sommations qui avaient été faites à l’attroupement sur la place Vendôme, entre quatre et cinq heures, et ensuite au jeu de pompes qui l’ont dispersé. Il paraît, d’après ce qu’il m’a dit, que ce nouveau moyen de répression a été d’un grand effet. »

Le pouvoir n’allait pas tarder d’employer des armes moins inoffensives. Mais si, à cette occasion, il eut pour lui les rieurs, il ne tira aucun profit de cette victoire ; puisque l’ordonnance qui avait causé tout ce bruit fut inexécutée, et les croix de juillet distribuées sans cérémonie et sans prestation de serment. L’agitation, cependant, ne cessait pas, entretenue par le parti républicain, point encore résigné à l’escamotage de l’année précédente et qui répandait à profusion des placards et des brochures sur l’impossibilité de la « monarchie républicaine » et contre l’obéissance passive des soldats.

Les anniversaires des journées révolutionnaires étaient préparés d’avance, et célébrés par des manifestations publiques où l’on s’essayait à les faire revivre plus qu’à les commémorer. C’est ainsi que, le 14 juillet, le peuple fut invité à planter un arbre de la liberté sur la place de la Bastille. La garde nationale intervint pour dissoudre le rassemblement. Le commissaire chargé de procéder aux sommations fut assailli par un jeune homme armé d’un pistolet. Les gardes nationaux criblèrent l’agresseur de coups de baïonnette et dispersèrent brutalement la foule, qui s’enfuit aux cris de : À bas la garde nationale ! Quelques jours plus tard, l’anniversaire des trois journées étaient l’occasion de nouvelles manifestations, également réprimées par la boutique en armes.

Mais si la boutique s’armait volontiers contre les républicains, elle n’en avait