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reçu des adhésions, que ne les publient-ils dans leur premier bulletin ? Ils sont profondément inconnus des ouvriers, des républicains, des saint-simoniens dont on les prétend des « néophytes ». Les menaces qu’ils adressent aux riches ont une forte odeur de chantage. Ceux-ci ne s’y laissèrent pas prendre et cette entreprise, qui eût dû relever de la police correctionnelle, tomba dans l’indifférence générale après avoir ajouté une déception aux misères des ouvriers sans travail.

L’opposition avait donné de toutes ses forces dans la discussion de l’adresse, et sa critique porta surtout sur la question étrangère. Elle avait là un terrain très vaste, où elle se mouvait d’autant plus à l’aise qu’elle échappait à toute responsabilité. Elle put reprocher au pouvoir de n’avoir pas annexé la Belgique à la France, de n’être pas intervenu en faveur de la Pologne, de s’être associé aux puissances pour protéger le pape contre les patriotes italiens, et, pour prix de tant de sacrifices, de n’avoir recueilli que l’hostilité de l’Angleterre et le mépris du tsar, dont l’ambassadeur s’était abstenu d’assister à la lecture du discours de la couronne.

Thiers, Guizot, Sébastiani, et deux nouveaux venus : Duvergier de Hauranne et de Rémusat, secondèrent Casimir Perier de toute leur énergie. Finalement l’adresse fut votée par 282 voix contre 73. Le ministère avait sa majorité. Casimir Perier. pouvait dès lors organiser la résistance en toute sécurité. Jusque-là, il avait eu des alternatives d’énergie et de laisser aller vis-à-vis des mouvements populaires, sans cependant se départir de sa rigueur, lorsque les intérêts de la bourgeoisie et de son roi étaient en jeu. Dorénavant, il allait faire de la réaction ouvertement, et sans discontinuité.

Lors des obsèques de l’ancien évêque constitutionnel Grégoire, à l’occasion desquelles on put croire un moment que l’intolérance cléricale allait susciter un mouvement analogue à celui qui, trois mois auparavant, avait amené le pillage de l’archevêché, le ministre laissa faire. Il n’y avait d’ailleurs aucun danger, mais tout profit pour le gouvernement, à tolérer une manifestation contre l’incorrigible archevêque. Casimir Perier avait pris des mesures pour que cette manifestation fût exclusivement dirigée contre les sentiments légitimistes de monseigneur de Quelen.

Grégoire, fort assagi par son passage au Sénat impérial, n’en était plus à considérer les rois comme étant dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Il avait adhéré à la monarchie de juillet, tout en demandant, dans une brochure publiée en 1830, que le roi populaire sût se contenter d’une liste civile modeste, dont la Chambre fixerait le montant chaque année. Demeuré fort attaché à la religion qu’il avait tenté naguère d’accorder avec la société civile issue de la Révolution, Grégoire avait demandé et reçu les derniers sacrements, et le lendemain de sa mort, survenue le 28 mai, son corps avait été porté dans l’église de l’Abbaye-aux-Bois.

Sur l’ordre de l’archevêque, le clergé de la paroisse se retira. Grande émotion dans Paris. Les jeunes gens des écoles veulent faire à l’ancien évêque jureur les obsèques que lui refuse son curé. Ils tendent de noir l’église du village, exposent sur