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La propagande faite en faveur du duc d’Orléans exaspéra les républicains réunis à l’Hôtel de Ville : « S’il en est ainsi, s’écriaient-ils, la bataille est à recommencer, et nous allons refondre des balles. » À vrai dire, il s’était formé autour de Lafayette, à l’Hôtel de Ville, un bureau de renseignements plutôt qu’un centre d’action, qu’un gouvernement. C’est que Lafayette, qui d’ailleurs toute sa vie reçut l’impulsion et jamais ne la donna, était à l’âge où l’initiative hardie est le plus rare. Béranger, aussi populaire que lui, croyait encore moins que lui à la possibilité de la République. Il n’y croyait même pas du tout.


S. A. R. le duc d’Orléans distribuant sa proclamation du 31 juillet 1830 au peuple rassemblé sous les fenêtres de son palais
(D’après un document de la Bibliothèque Nationale.)


Béranger était le poète de la bourgeoisie libérale. Sa pensée, comme son art, était juste-milieu. Il avait trop chanté la gloire de Napoléon Ier pour n’avoir pas un faible pour le jeune Napoléon II ; il avait trop chanté la liberté, chansonné les nobles et les prêtres, pour n’avoir pas un faible pour la République. Mais Napoléon II était prisonnier de son grand-père, ou plutôt de Metternich, à Schœnbrunn, et la bourgeoisie n’était pas républicaine. Béranger avait été aperçu dans un groupe d’orléanistes à la salle Lointier ; il s’était retiré dès que la majorité de la réunion avait manifesté sa préférence pour la République, et s’était rendu en hâte auprès de Lafayette, pour joindre ses efforts à ceux de Rémusat et d’Odilon Barrot en faveur du duc d’Orléans. Il fut certainement de ceux qui empêchèrent Lafayette de signer