Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.

résolu pour la mener jusqu’au bout eut enfin accepté, et il fut plus longtemps encore à se décider que Louis-Philippe à accepter son impérieuse collaboration, tout ce monde respira. Casimir Perier, qui eût tout à fait arrêté la révolution de 1830 si cela avait été en son pouvoir, était l’homme qu’il fallait, par ses idées comme par son tempérament. Il était par définition un autoritaire. Tous les regards étaient tournés vers lui, tandis que le ministère achevait d’user sa popularité auprès des libéraux par son impuissance à les servir tout en surexcitant les fureurs conservatrices par son impuissance à maintenir l’ordre matériel. Casimir Perier retenait ses amis cependant, et allait jusqu’à refuser la parole aux plus impatients d’entre eux dans la crainte, dit le général de Ségur, « de les voir amener prématurément à la tribune la question décisive ».

— Il est trop tôt, leur disait-il, sachez attendre.

Ces paroles l’engageaient. Homme de combat plus que de manœuvre, il lui faudrait, dès que les manœuvres auraient rendu le combat nécessaire, en accepter la direction. On touchait au moment décisif. Un incident diplomatique amena la crise et permit au parti de la résistance de commencer ouvertement l’œuvre de réaction.



CHAPITRE IX


L’EUROPE EN 1830


Les cléricaux belges et la lutte pour la nationalité. — Louis-Philippe se sert des réfugiés espagnols contre Ferdinand VII, puis les sacrifie. — Causes de l’inertie relative de l’Allemagne. — Essais de révolution en Italie : Rome, îlot de barbarie. — L’agitation démocratique abolit en Suisse les constitutions cantonales rétrogrades. — Le soulèvement de la Pologne et sa répercussion en France. — Le chauvinisme agressif des démocrates français. — Laffitte est joué par le roi et remplacé par Casimir Perier.


Quelle était la situation de l’Europe, remaniée par les traités de 1815, au moment où éclata la révolution de juillet ? Les idées libérales y étaient proscrites et les nations, dépecées et asservies, en sourd travail de révolte contre le despotisme. Nous avons vu avec quelle sympathie cette révolution fut saluée en Angleterre. Le mouvement des esprits y fut tel que les élections qui eurent lieu à ce moment ramenèrent les whighs au pouvoir. Ce fut le premier ébranlement du système de 1815. Mais l’Angleterre n’a jamais fait de son libéralisme un article d’exportation. Elle le propose en exemple aux autres peuples, mais ne le leur apporte pas au bout de ses baïonnettes. Elle se prononça donc dès le premier moment pour le principe de la non-intervention.

Ce principe, d’ailleurs, tout au moins pour la Belgique soulevée à l’écho du ca-