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politique, un organe de conservation sociale, ne pouvait manquer d’apprécier le parti qu’ont tiré du darwinisme certains écrivains rétrogrades. Du moment qu’ils en faisaient la doctrine des plus forts, elle n’avait plus aucun motif de répugnance contre une science qu’avec leur art de torturer les textes ses exégètes trouveraient bien moyen un jour de concilier avec le dogme. Ce qu’on appelle les progrès de l’Église vers la liberté et la science n’est ainsi fait que de ses capitulations devant elles et de leur emploi, après les avoir dûment faussées et adultérées, contre la science et la liberté.



CHAPITRE VIII


LE PARLEMENTARISME


Manœuvres des doctrinaires. — Louis-Philippe fait de la popularité. — Le ministère Laffitte. — Le roi se débarrasse de Lafayette. — L’œuvre législative consolide le régime censitaire. — Démission d’Odilon Barrot et de Dupont (de l’Eure). — Les agitations pour la Pologne. — Du travail ou du pain ! — La curée.


Les deux cent vingt et un députés opposants, dont la réélection avait décidé les ministres de Charles X au coup d’État des ordonnances de juillet, ne formaient pas un parti homogène, sinon dans leur hostilité contre l’absolutisme politique et la domination cléricale. Les doctrinaires, tels Royer-Collard et Guizot, n’avaient rien de commun avec les libéraux, sinon que ceux-ci avaient voulu Louis-Philippe, tandis que ceux-là l’avaient accepté contraints par la vacance du pouvoir et la force des baïonnettes de l’insurrection. Les libéraux, même, n’étaient guère homogènes, en outre des caractères et des tempéraments particuliers, qui portaient des hommes tels que Thiers à considérer le libéralisme comme un moyen de pouvoir, tandis, que d’autres, tels que Laffitte, considéraient le pouvoir comme un moyen de réaliser la doctrine libérale.

Le premier ministère, celui du 11 août, présidé par Dupont (de l’Eure), c’est-à-dire, par un républicain résigné à la monarchie par impossibilité de faire la République, était, nous l’avons dit, composé des éléments hétérogènes qui avaient voulu, accepté ou subi le changement de régime. Laffitte et Dupont (de l’Eure) y avaient, de par les barricades à peine démolies, situation prépondérante. Ils étaient les garants de Louis-Philippe devant la révolution encore grondante. C’est assez dire que la Chambre des députés les supportait avec plus d’impatience encore que le roi. Celui-ci, encore mal assis sur son trône, savait, pour avoir traversé deux révolutions, que les barricades peuvent détruire ce qu’elles ont édifié. La première révolution, dans sa phase populaire, l’avait coiffé du bonnet rouge.