Talleyrand demanda à écrire le procès-verbal de cette capitale séance où des personnalités sans mandat avaient défait et fait une dynastie. Le procès-verbal, sous la main de Talleyrand, devint la proclamation arrêtée le matin entre l’empereur et lui… On l’approuve, on se retire, et Talleyrand trouve dans un salon l’imprimeur Michaud qui lui rapportait les bonnes feuilles de la déclaration déjà imprimée.
Immédiatement, elle est répandue et affichée.
Les armées des puissances alliées ont occupé la capitale de la France. Les souverains alliés accueillent le vœu de la nation française ; ils déclarent :
Que si les conditions de la paix devaient renfermer de plus fortes garanties lorsqu’il s’agissait d’enchaîner l’ambition de Bonaparte, elles doivent être plus favorables, lorsque, par un retour sous un gouvernement sage, la France elle-même offrira l’assurance du repos. Les souverains proclament en conséquence :
Qu’ils ne traiteront plus avec Napoléon Bonaparte, ni avec aucun membre de sa famille ;
Qu’ils respectent l’intégrité de l’ancienne France, telle qu’elle a existé sous ses rois légitimes ; ils peuvent même faire plus parce qu’ils professeront toujours le principe que, pour le bonheur de l’Europe, il faut que la France soit grande et forte ;
Ils reconnaîtront et garantiront la Constitution que la nation française se donnera. Ils invitent, par conséquent, le Sénat à désigner sur le champ un gouvernement provisoire qui puisse pourvoir aux besoins de l’administration, et à préparer la Constitution qui conviendra au peuple français.
Les intentions que je viens d’exprimer me sont communes avec toutes les puissances alliées.
- Paris, le 31 mars 1814.
- P. S. I.
- Comte de Nesselrode.
- Paris, le 31 mars 1814.
Le soir, quelques royalistes envoyèrent une délégation à l’empereur Alexandre. Ce fut Nesselrode qui la reçut et la combla de promesses. Mais, plus que cette agitation factice, une initiative audacieuse allait servir la royauté. Un royaliste, M. de la Grange, laissant aux autres le bruit, d’accord avec la diplomatie russe, se chargea de modifier par la presse les impressions de la foule. Curieux contraste ! La presse, le 30 mars, offre le morne spectacle d’une grande force asservie au silence, et qui ne se prononce pas. M. de la Grange va lui communiquer sa propre ardeur : il envahit toutes les salles de rédaction, y place des censeurs qui sont des royalistes, ou, comme au Journal des Débats, les anciens propriétaires expropriés. La note est uniforme, et, le 1er avril, l’enthousiasme pour les Bourbons déborde de toutes les colonnes. Ainsi, en une nuit, par un coup d’audace qui mit les plumes à la merci de la force, l’opinion fut ébranlée, divisée, inquiète. En même temps, elle était profondément remuée par une brochure retentissante que