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rieux qui s’agitait déjà autour du comte d’Artois et qui n’avait pas quitté Charles X. Mais où trouver ces ressources que lui avait, en refusant la conversion, refusé la Chambre des Pairs, lui causant un premier et cuisant affront ?

Tout d’abord, on essaya d’évaluer la valeur totale des biens qui avaient été remis par la Révolution à la Nation. Comment faire ? Il fallait connaître les revenus. Or, il y avait, à cause des dépréciations subies, une difficulté très grande à connaître ce revenu. On le fixa tout de même à l’aide d’une évaluation arbitraire et il se trouva que, sous la plume de de Villèle, ce chiffre vint s’inscrire à 1 297 760 007 fr. 96 ! Plus d’un milliard était dû aux émigrés. Mais comme ils avaient reçu (l’État ayant payé à leur place dettes ou reprises) une somme de 309 940 445 francs, en bon et honnête comptable, de Villèle opérait la soustraction : tout compte fait, l’État devait 987 819 962 fr. 96  ! Où trouver les ressources  ? Voici : On créait 30 millions de rentes 3 0/0 représentant un capital de un millard et inscrites par cinquièmes, pendant cinq ans par conséquent, sur le grand-livre de la dette publique.

Le débat qui s’institua à ce sujet fut certes éclatant et la parole déjà mourante du général Foy, comme si elle sentait qu’elle adressait un adieu au monde, y fut incomparable de vigueur et d’éclat. Mais ce débat aurait pu être formidable par les conséquences sociales auxquelles il aurait pu et dû aboutir. La mesure dont profitaient les émigrés ne fut envisagée que sous son aspect politique. Quel redoutable aspect économique elle offrait ! Ainsi une assemblée régulière avait mis à la disposition de la Nation les biens des émigrés, les châtiant d’avoir quitté le sol national et de le livrer à l’ennemi, et avait exigé des acquéreurs un prix. Or, que faisait une Assemblée nouvelle, elle aussi régulière ? Elle faisait payer par la Nation les émigrés dépossédés par la loi. Ainsi les acquéreurs du bien avaient versé le prix, et de plus, comme contribuables, devenaient, eux ou leur fils, débiteurs vis-à-vis des anciens propriétaires. Ainsi était atteinte leur propriété, cependant consacrée par la loi qui avait autorisé la vente, et par le contrat qui l’avait enregistré. À quoi servaient donc les lois, ces contrats des nations, les contrats, ces lois des particuliers ? Où était la sécurité pour le possesseur ? Que devenait le fondement du droit de propriété puisque le pic infatigable des générations futures le pouvait atteindre ? Peut-être même, par l’effroi causé à l’aristocratie et à la bourgeoisie possédante dont cet exemple et ce précédent pouvaient ralentir le zèle, on aurait pu éviter le vote de la loi.

Cet aspect de la mesure ne fut pas abordé. Les ultra-royalistes, par une rencontre inattendue, se trouvaient d’accord avec les libéraux pour repousser la loi. Les royalistes trouvaient que le paiement de l’indemnité consacrait le rapt révolutionnaire et ils auraient voulu que les terres fussent reprises à leurs possesseurs et l’indemnité à eux versée. Quelques-uns des orateurs royalistes traitèrent de voleurs et de scélérats les acquéreurs. Le général Foy