nom était donné. Mais l’instruction, qui se heurtait aux dénégations irritées et tranchantes des conjurés, n’aurait pu aller plus loin, si elle n’avait, comme il devait toujours arriver dans ces complots de la Restauration, bénéficié des aveux de l’un des prisonniers. Le commandant Bérard était un homme droit et courageux, mais que la prison accablait et que les larmes de sa femme, le suppliant de se sauver par l’affirmation de la vérité, amollissaient. Il céda, parla, mais, honteux de lui-même, se reprit assez vite pour ne donner à l’instruction qu’un grand espoir suivi d’une grande déception, et, comme on va le voir, ce demi-aveu de ses lèvres, vite refermées, devait davantage servir le procès qu’une dénégation persistante.
Au mois de mai 1821, l’affaire fut soumise à la Cour des Pairs ; cette affaire avait pris à l’instruction et devait garder jusqu’à son terme un tour singulier. La pensée générale était que cette conspiration était fictive, qu’il y avait là une grossière erreur de la police, et que le cabinet avait voulu par là tendre des pièges à des hommes légers, peut-être, et non coupables. L’attitude des accusés, auxquels leurs défenseurs soufflaient leur rôle, rendit plus précise cette pensée qui finit par devenir, en l’esprit même des juges de la Cour des Pairs, une conviction. Dans ce procès, chargé par ses co-accusés, écrasé de responsabilités, le capitaine Nantil passa pour un agent de la police, et son fin profil le céda à la louche figure de l’agent provocateur. Vingt fois, du fond de sa retraite où il complotait, il voulut s’élancer, au risque de l’échafaud, pour donner sa vie et reprendre son honneur ; mais il s’immola au salut commun et se résigna au rôle qui seul pouvait arracher à la place de Grève ceux qu’elle attendait. Le commandant Bérard, lui aussi, ne tarda pas à supporter toute la responsabilité d’une conspiration avortée. Il dut subir les outrages de ses compagnons qui, afin de mieux jouer leur rôle, affectaient de ne le pouvoir garder comme voisin, et les dures et méprisantes paroles des témoins. Enfin la Cour des Pairs eut jusqu’au bout l’illusion qu’elle tenait un complot de police, et elle rendit un arrêt, le 29 juin, pour acquitter tous les condamnés présents, et condamner à cinq ans de prison cinq d’entre eux : elle avait condamné à mort les accusés contumaces. Cet arrêt irrita violemment la cour et la majorité : il fut imputé comme un acte de coupable faiblesse au cabinet. Mais qu’y pouvait-il ? C’était plutôt contre lui qu’en faveur des accusés que s’était prononcée la Cour. De la part de cette assemblée, jugeant judiciairement, c’était la première manifestation politique d’une hostilité qui va s’accroître. Était-ce jalousie d’une assemblée reléguée au loin, tandis que l’attention et l’émotion publique se portaient sur la Chambre des députés ? Était-ce influence déterminante exercée par la fournée des 64 pairs nouveaux que M. Decazes avait jetés dans la pairie ? Était-ce réveil, sinon du libéralisme, au moins des souvenirs du passé chez ces pairs, presque tous anciens serviteurs et privilégiés de l’Empire ? Des sentiments complexes mènent les assemblées et il est certain qu’à cette triple