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verser aux députés une indemnité. La loi électorale, telle que la désirait Villèle, fut votée, le 6 mars, par 180 voix contre 132.

Mais, au milieu de la surprise générale, la Chambre des Pairs, le 3 avril, repoussa le projet (89 voix contre 57). Était-ce la jalousie de cette Chambre élue, violente certes, mais qui appelait par là-même, en la détournant de la Chambre des Pairs, l’attention publique, est-ce ce bas sentiment qui dirigea la haute assemblée ? Il est permis de le penser ; le gouvernement n’avait plus en main aucune loi d’élection. Le 5 avril, il déposa un projet pour que l’autorisation lui fût donnée de se servir des ordonnances de juillet, qui avaient servi à la convocation du mois d’août ; le 8, Villèle allait lire son rapport quand un incident violent se produisit entre le président Lainé et lui. Désavoué par la Chambre, M. Lainé donne sa démission que le roi refuse : on verra que cet incident a eu une influence sur la destinée même de l’assemblée.

Le 10, vint la discussion du rapport de Villèle ; Villèle eut le tort d’accepter ce projet provisoire, rédigé, disait le gouvernement, en attendant que le temps lui permît d’en confectionner un autre. Pourquoi cette hâte ? La Chambre avait encore devant elle une carrière de quatre années. Ne pouvait-on attendre ? Que cachait cette précipitation ? Villèle ne le devina pas : en lui l’homme de force ne découvrit pas les projets énergiques qui commençaient à hanter le ministère. Au moins, cette courte discussion donna lieu à un incident nouveau : au milieu des applaudissements, M. de Vaublanc, ministre de l’Intérieur, se déclara contre le projet du gouvernement.

Le ministère n’avait essuyé que des défaites ou des demi-défaites ; il était miné par de sourdes hostilités, et, publiquement, un de ses membres se retournait contre lui. Chaque jour l’autorité le quittait : il le comprit, et hâta le vote du budget pour se libérer de la Chambre. Mais, là encore, il se heurta à un contrôle tenace, intraitable, qui s’exerça par les yeux de Villèle, et qui, le matin et le soir, faisait entendre, dans une double séance, les plus dures critiques. L’arriéré à payer égalait 700 millions, et ils étaient dus à des créanciers antérieurs à 1814 et à des créanciers postérieurs à cette date. C’était dire que ces derniers avaient prêté à Napoléon. Pour les payer tous ensemble, on leur offrait ou une consolidation de leur dette, ou des obligations à 5 0/0, remboursables en trois ans sur le produit de la vente de 400 000 hectares de bois ayant appartenu au clergé.

Double profanation ! Tout d’abord, on acceptait le legs des Cent-Jours ! Et, en acquittant ses dettes, on vendait les bois du clergé. De sorte qu’on légitimait du coup l’usurpation napoléonienne et l’usurpation révolutionnaire. Cervetto dut céder et, aux applaudissements enthousiastes de la droite, transigea : on tint tout en suspens ; on remboursait non dans trois ans, mais dans cinq ans, tout en payant un intérêt de 5 0/0 aux obligataires. Et on attendait l’année 1820 pour délibérer sur l’acquittement total ; cette sus-