du blé, celle du fer, celle de la laine, étant interdites, la production française était livrée à ses seules ressources, et ces jours de folie militaire ont été pour la fortune des accapareurs nationaux des jours de victoires. Moins retentissantes que les victoires sur les champs de bataille, ces victoires enrichissaient par la spoliation légale dont souffrait le plus grand nombre, c’est-à-dire les consommateurs, une minorité insolente et cynique. Et c’est elle, cependant, qui rejeta l’Empire à qui elle devait la puissance.
Mais elle n’en rejeta que le bruit, la gloire, l’insécurité, entendant bien confisquer, sous un autre régime, par le prolongement des mêmes méthodes, le même profit. Aussi, sa colère éclata, au début de la première Restauration, au lendemain du traité du 30 mai 1814, et fut pour le gouvernement fragile un premier avertissement. Le traité avait brisé le blocus continental, ouvert les ports, les canaux au commerce anglais qui, prévenu, se tenait prêt et inonda la France de ses produits. Du coup, l’aristocratie industrielle était atteinte. Mais elle espéra une rapide revanche. Qui pouvait la lui assurer ? Le vote de lois protectionnistes qui renouvelassent autour du marché la barrière de fer établie par Napoléon. Qui votait les lois ? La Chambre des représentants… Immédiatement l’aristocratie de fortune va saisir l’instrument politique, afin de travailler par lui à l’œuvre économique : elle va pénétrer dans l’assemblée.
La loi électorale lui permettait d’ailleurs ce léger effort : nul ne pouvait voter s’il n’avait 300 francs d’impôts, nul ne pouvait être éligible s’il ne payait 1000 francs. Si l’on veut bien considérer que ces chiffres n’ont pas ici leur pleine valeur et que mille francs de cette époque représentent quatre mille francs de la nôtre, on voit, même par une comparaison avec notre temps, à quoi était réduit ce qu’on appellera plus tard « le pays légal ». Le nombre des électeurs sur trente-huit millions d’habitants était réduit à moins de cent mille : le trois cent quatre-vingtième de la France suffisait à la gouverner. Bien entendu, le chiffre des éligibles était plus restreint encore : dès lors, deux aristocraties vont s’emparer du pouvoir : à la Chambre des représentants, l’aristocratie de l’argent ; à la Chambre des Pairs, par la désignation du roi, l’aristocratie du nom.
Ainsi toute l’œuvre économique de la Restauration a reçu de ce fait une unité de direction qui fait contraste avec les violences et les discordances politiques. Tandis que les représentants de la France — d’une partie si minime de la France — se querellent, qu’ils se divisent entre libéraux constitutionnels et ultra-royalistes, qu’ils s’invectivent et se calomnient — au point de vue politique — ils sont unis dans le vote des lois douanières et financières. Les lois de 1819 et de 1821 votées pour prohiber l’importation des céréales, le furent à la presque unanimité (234 voix contre 28, 282 contre 54). D’autres lois, en 1816, 1817,1818, 1820, 1822, 1826, vinrent protéger les produits de grande fabrique. Veut-on un exemple de l’audace protectionniste ?