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de police que le gouvernement, jugera nécessaires pour la tranquillité publique. » C’est la rédaction de ce premier article qui faillit, nous l’avons vu, faire échouer les négociations au dernier moment. Que contient-il en effet ? D’une part la proclamation de la liberté du culte, d’autre part la restriction de cette liberté conformément aux mesures possibles prises par le gouvernement. Remarquons de suite que Bonaparte garde ici son attitude ordinaire : la liberté ne va jamais pour lui sans des chaînes. Sommes-nous embarrassés, nous, socialistes, pour apprécier l’art. 1er du Concordat ? On ne cesse de nous clamer aux oreilles : « Liberté ! Liberté ! » et cela parce que nous désirerions entraver le libre exercice du culte catholique. Mais, outre qu’en maintes circonstances ce n’est pas du tout l’exercice du culte qui est en jeu, nous répondons simplement que nous ne voulons pas abolir la moindre liberté. Au contraire, nous demandons la suppression du Concordat qui est un contrat, par conséquent un lien de droit ! De quoi se plaignent ceux qui veulent le conserver ? Dès l’instant qu’ils y tiennent, ils n’ont qu’à en accepter l’application légale. Or il y a textuellement subordination de la publicité du culte aux règlements de police jugés nécessaires par le gouvernement. Ces règlements, ils existent : ce sont les Articles organiques. Sont-ils acceptés par les partisans du Concordat ? Pas le moins du monde. C’est qu’aux yeux des catholiques militants, des papistes et des cléricaux, le contrat n’est bon qu’autant qu’il favorise la subordination du pouvoir civil au pouvoir religieux. Qu’on leur laisse la liberté d’empoisonner nos consciences ou la liberté de nous soumettre à une nouvelle Inquisition, et alors tout sera pour le mieux. Qu’on interrompe vingt fois par an la circulation dans nos villes, qu’on arrête tout trafic, toute vie pour laisser passer des processions, qu’on oblige les citoyens à s’agenouiller ou à se découvrir devant des bannières, et ils proclameront que la liberté du culte est une réalité ! C’est cela que nous ne voulons pas, et puisque le Concordat est encore en vigueur, puisque ce sont pour la plupart des partisans de l’Église romaine qui le défendent, il est de notre devoir de veiller à ce que les dispositions qu’il peut contenir visant la suprématie du pouvoir civil et la réglementation de l’exercice d’un culte envahissant et dangereux soient observées par ceux qui sont les seuls bénéficiaires de cet acte.

§ 3. — La réforme administrative de l’organisation du clergé est contenue dans les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10 et 11. Elle vise l’indication d’une nouvelle répartition des diocèses, la nomination des évêques, celle des curés et l’établissement des chapitres et séminaires.

L’article 2 porte simplement qu’« il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français », et c’est l’article 58 des Articles organiques qui en forme le commentaire. Mais, pour nommer des évêques nouveaux, il fallait déposséder ceux qui étaient à la tête des diocèses, et nous savons que ceux-là étaient de deux