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§ 1. — Ce que nous appelons les « principes », c’est-à-dire les motifs donnés comme ayant déterminé la conclusion du Concordat, se trouvent dans le préambule de cet acte. Ils lui donnent de suite l’apparence d’un contrat synallagmatique, puisque les deux parties déclarent qu’il est passé « tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure. » Quant à savoir lequel des deux pouvoirs a en réalité le plus gagné, c’est un point que nous mettrons complètement en lumière par la suite de ce chapitre. La seule histoire des négociations l’a du reste déjà fait entrevoir. En tous cas, la prépondérance nouvelle de l’Église catholique romaine nous apparaît dès les premiers mots absolument affirmée : « Le gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français ». Le projet présenté par Bernier, après acceptation de Bonaparte, le 26 novembre 1800, portait dans l’art. 1er de son neuvième titre «… le gouvernement déclare que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État ». Il semble que ce soit après ses succès contre l’Autriche, après Hohenlinden, que le Premier Consul retira cette proposition de faire la religion romaine religion d’État. Les négociateurs romains ne purent, en tout cas, pas obtenir plus que ce que porte le texte définitif, et c’est déjà énorme si l’on veut bien remarquer qu’il frappe le premier coup au régime de la séparation. Ce régime, en effet, ne s’occupe pas du dénombrement des adeptes qui suivent telle ou telle religion. Toutes sont libres, toutes, par conséquent, sont dans une situation égale au point de vue de la loi. Du reste, Consalvi, après una guerra terribile eut cette satisfaction de mettre dans le texte que les consuls faisaient « profession particulière » du culte catholique[1]. Cette déclaration, dont Joseph Bonaparte et Cretet ne voyaient pas la nécessité et dont ils discutaient l’importance, était capitale aux yeux des envoyés du pape parce qu’elle était la revanche sur les gouvernants « philosophes » et athées, sur les hommes de la Révolution. Henri IV s’était fait papiste pour gagner Paris, Pie VII faisait Bonaparte catholique romain pour gagner la France. À plusieurs reprises pendant les négociations, le Premier Consul n’avait-il pas dit qu’il était prêt à prendre une religion quelconque et que la France suivrait ?… Et dès lors, l’Église pouvait bien accorder que l’on dirait (art. 8) à « la fin de l’office divin dans toutes les églises catholiques :

Domine, salvam fac Rempublicam ;
Domine, salvos fac consules. »

La France vaut bien une prière !

§ 2. — « La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France ; son culte en sera public, en se conformant aux réglements

  1. L’art. 14 stipulait que si l’un des successeurs de Bonaparte n’était pas catholique, il faudrait une nouvelle convention pour régler la nomination des évêques.