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centralisée, non pas parce que les conditions étaient telles qu’il n’aurait pu en donner une autre, mais simplement parce que, autocrate, il n’a pas pu songer à instaurer un régime administratif qui ne lui aurait pas remis toute la puissance entre les mains.

Voyons, en dehors de toute théorie cette fois et avec la seule loi, ce qu’est ce régime administratif. Nous rappelons la triple division : département, arrondissement, commune. À la tête du département est le préfet. « Le préfet sera seul chargé de l’administration du département ». Il a sous ses ordres des sous-préfets dans chaque arrondissement. Et, comme « administrer doit être le fait d’un homme et juger celui de plusieurs » la loi place à côté du préfet un conseil général, à côté du sous-préfet un conseil d’arrondissement pour répartir l’impôt, avec le concours aussi de répartiteurs municipaux. En outre, un conseil de préfecture de cinq, quatre ou trois membres doit connaître du contentieux administratif sous la présidence du préfet qui, en cas de partage des voix, donne un avis prépondérant, c’est-à-dire gouverne et juge contrairement au principe énoncé plus haut. L’importance des conseils généraux et d’arrondissement est assez bien montrée par ce seul fait que, convoqués tous les ans ils ne pouvaient siéger plus de quinze jours, c’est-à-dire le temps strictement nécessaire pour faire la répartition des contributions ! Les conseils municipaux, placés auprès du maire, partagent avec lui l’administration de la commune. C’est au maire qu’est remis l’état civil et aussi la police dans les villes de moins de cent mille habitants. Dans celles où ce chiffre est dépassé, c’est le préfet qui est chef de la police. Paris reçoit un préfet de police, magistrat spécial. Nous rappelons que tous les titulaires des fonctions dont nous venons de parler, les membres des différents conseils sont nommés, les principaux par le premier consul, les autres par le préfet.

Le Publiciste, dans un article du 20 pluviôse « sur le plan administratif proposé par le gouvernement », écrit que : « du premier consul au maire d’un village des Pyrénées, tout se tient » ; il serait plus exact de dire que le premier consul tenait tout. C’est ce que virent bien les tribuns et les législateurs. Rœderer présenta le projet devant le tribunat au nom du Conseil d’État et il causa parmi les libéraux une véritable stupeur. Mais la politique du « laisser faire » l’emporta encore. Daunou, rapporteur désigné, donna son rapport le 23 pluviôse et il y accumula les plus vives, les plus justes critiques. Relevant, par exemple, le mot de Rœderer qui opposait l’administrateur et les juges, il souligna ce fait que la loi donnait pourtant au préfet place prépondérante au conseil de préfecture et il dit : « juger entre les administrateurs et les administrés devrait être le fait de plusieurs parmi lesquels aucun n’administre. » La conclusion est à retenir. Parlant au nom de la commission qui avait étudié le projet, il termine ainsi : « Elle ne peut pas vous dire : approuvez-le parce qu’il est aussi bon qu’il pouvait l’être, parce qu’il