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qu’on retourne après le produit de la dernière année, vers la fin de juillet ; 8° pommes de terre ; 9° froment ou seigle ; 10° légumes divers.

« Ainsi, les plantes céréales ne se cultivent plus annuellement que sur les quatre dixièmes du terrain ; mais les six autres dixièmes, dont cinq eussent été improductifs, fournissent des racines, des légumes et du trèfle. On doit remarquer, parmi les avantages de cet assolement, que des champs qui n’avaient jamais produit que du seigle offrent aujourd’hui à M.de Jumilhac de belles récoltes de froment, et qu’il n’occupe pas plus de bras à l’exploitation de son grand domaine que n’en exigeait précédemment la culture d’une des quatre métairies dont il est composé. »

Quoi qu’il en soit, dans la petite comme dans la grande propriété, des progrès ont été réalisés et nous voulons encore citer un curieux exemple de la façon lente dont s’accomplit, au village, la pénétration des idées nouvelles. C’est M. Pichon, dont nous avons déjà plus haut invoqué le témoignage, qui, ici encore, nous fournit quelques pages fort intéressantes dans son mémoire couronné, le 15 juillet 1810, par la Société d’Agriculture, et intitulé : « Des améliorations introduites depuis 50 ans, dans l’agriculture et l’économie rurale de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer, département du Pas-de-Calais ».

L’auteur s’exprime ainsi dans son introduction :

« L’agriculture paraît avoir été longtemps négligée dans le ci-devant Boulonnais ; ce pays, couvert jadis de vastes forêts, de dunes de sable, de marais, de stériles pâturages, a dû présenter de très grandes difficultés à surmonter, et il a fallu nécessairement des efforts constants pour soumettre enfin à la culture tant de terrains qui semblaient n’en pas être susceptibles.

« Pendant plusieurs siècles, peut-être, une routine bornée tenait lieu de connaissances exactes, et les cultivateurs du pays compris dans l’arrondissement de Boulogne, séparés du reste de la France par le défaut de communications, ne jouissaient d’aucun des avantages que procurent la civilisation et le voisinage d’agronomes instruits et éclairés. Il y a 50 ans que l’état moral et physique du Boulonnais éprouva des changements importants, quoique insensibles dans les premières années, lorsque la grande route de Paris à Calais ( qui passait autrefois par Saint-Omer) le traversa dans toute sa longueur, et que d’autres routes furent ouvertes sur d’autres points. Des voyageurs nationaux et étrangers qui allaient en Angleterre ou qui en revenaient résidaient momentanément dans ce pays ou se fixaient dans ses villes : l’on doit attribuer au séjour et à la fréquentation de ces voyageurs les lumières qui commencèrent à se répandre dans l’arrondissement ; et Boulogne, en particulier, qui ne comportait auparavant que des propriétaires et des pêcheurs, vit sa population se composer d’hommes instruits et de quelques capitalistes empressés à répéter sur leurs propriétés des essais heureux et des découvertes utiles.