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« Dentelles. — Une ouvrière ordinaire emploie environ 10 mois pour faire une paire de manchettes d’homme en vraie Valenciennes. Le prix de ces manchettes varie suivant la perfection du travail : il y en a de 120 francs, il y en a de 300 francs. C’est donc le plus ou moins de perfection du travail de l’ouvrière qui détermine le plus ou moins de gain qu’elle fait, car la matière première n’est presque rien, à peine entre-t-il de 15 à 20 francs de fil dans une paire de manchettes, quelque belle qu’elle soit. Une bonne dentellière gagne facilement 300 francs par an ; il y en a qui en gagnent 400 ; aussi, on peut dire que le principal bénéfice de cette fabrique n’est pas pour l’ouvrière. Toutes ces dentellières travaillent pour le compte de commerçants en gros établis dans la ville. Ceux-ci ont chacun un certain nombre de dentellières ; ils ont leurs dessins qu’ils communiquent à ces dernières ; ils fournissent le fil, font des avances, payent des acomptes sur une pièce à mesure qu’elle se confectionne ; par ce moyen, les ouvrières sont liées au point de ne pouvoir travailler pour d’autres, et leur main-d’œuvre est toujours à un prix très modéré.

« Que si, la pièce étant achevée, le commerçant offre un prix qui ne convienne pas à l’ouvrière, celle-ci a la faculté de retirer sa pièce en payant la valeur du dessin sur lequel elle a travaillé, et en restituant les avances qui lui ont été faites. Cela arrive rarement, l’ouvrière devant naturellement craindre de n’avoir plus de nouveaux dessins et de ne pouvoir pas vendre sa dentelle dès qu’elle est finie. Il en résulte qu’elle est absolument dans la dépendance du fabricant.

« Une ouvrière dentellière travaille ordinairement depuis 5 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir ; en hiver, elle veille. Celle à qui cette longue journée de travail a rapporté 1 franc à 1 fr. 25 se trouve bien payée ; leur gain ordinaire est de 0 fr. 75 à 1 franc. »

On voit que l’exploitation capitaliste s’était déjà faite fort ingénieuse aux débuts du xixe siècle !

« Étoffes de coton. — Chaque métier emploie un tisserand dont la journée peut être évaluée de 1 fr. 50 à 2 francs par jour. Les autres ouvriers employés à cette fabrique sont :

« Les redoubleurs qui gagnent de 0 fr. 75 à 0 fr. 90.

« Les bobineurs, de 1 franc à i fr. 20.

« Les épeuleurs, 1 fr. 50.

« D’autres agents sont employés à retordre, teindre et ourdir, dont la journée peut être évaluée au prix moyen de 1 fr. 50.

« Filature de laine peignée. — En 1789, les ouvriers gagnaient 0 fr. 40 ; en l’an IX, les ouvriers gagnent 0 fr. 45.

« Fabrique de molletons. — Le salaire du tisserand était à Lille de 7 fr.50