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plus que lui ; il a une vision simple, rude, précise des êtres et des choses, et sa belle vigueur d’artiste l’amène à réaliser des œuvres fortes et humaines, souvent inhabiles, mais empreintes d’une simplicité préférable à tous les artifices de métier.

Citons encore Regnault, peintre de portraits et d’allégories ; Gautherot, Peyron, Hersent, qui laissèrent des œuvres honorables.

Gérard qui mérite en raison de son talent qu’on lui consacre quelques mots, a laissé des portraits d’une vérité heureuse et d’une simplicité d’attitude et d’expression qui fait songer à l’école anglaise aux destinées de laquelle présidait, à peu près dans le même temps, Lawrence. On a également de lui des tableaux d’histoire, où il ne paraît point égaler ceux qui s’étaient spécialisés dans ce genre ;

Il faut retenir le nom de Bailly qui a laissé de petites toiles spirituelles où sont fixés de curieux types populaires, celui de Hubert Robert dont le Louvre garde des œuvres assez médiocres, représentant des ruines et des monuments ; ceux des paysagistes Tannay et Bicault, de Van Dael, peintre de fleurs, Isabey, Moreau.

L’influence de David ne laissait pas de s’exercer profondément sur la personnalité des jeunes peintres de son école, et il n’est pas jusqu’à Ingres qui ne l’ait longtemps subie. Néanmoins, en 1800, l’œuvre qui lui fit décerner le prix de Rome surprit les artistes eux-mêmes, par la maîtrise qui s’y manifestait. Ingres avait déjà quelques-unes de ces qualités de puissance et d’harmonie qu’il devait si merveilleusement compléter par la pureté de son coloris et la netteté classique de son inspiration. Désireux de s’assimiler la technique des maîtres et quelques-uns de leurs plus prestigieux secrets, Ingres se rendit en Italie et y séjourna quelque temps. À Rome, la vie matérielle se montrant très difficile pour lui, il dut vendre à des prix dérisoires un grand nombre de portraits à la mine de plomb, dont quelques-uns ont une précision et une pureté remarquables. Les prédilections d’Ingres pour certains artistes des siècles passés donnent sur ses goûts esthétiques les indications les plus curieuses : tout le génie humain se résumait, pour lui, en Raphaël et en Mozart. Il n’hésitait point à porter de sévères jugements sur Rubens ou Rembrandt, ne trouvant point en eux cet équilibre et cette harmonie, cette perfection plastique alliée à cette noblesse de pensée qui le ravissaient au delà de toute expression. Son art s’apparentait d’ailleurs singulièrement à celui de ces modèles, et ce n’est point faire œuvre de psychologue très avisé que de constater les similitudes et les analogies qui existent entre certaines œuvres symphoniques de Mozart et les grandes compositions allégoriques d’Ingres. Il s’agit là de deux manifestations artistiques parallèlement issue d’une même source d’inspiration. Rien, aux yeux d’Ingres, ne surpassait en beauté l’harmonie d’une toile, la mesure et l’ordre, la sérénité idéale et la fermeté des contours : les qualités de l’art classique, en un mot, pouvaient