thousiasmes religieux d’où devaient naître le Génie du Christianisme et les Martyrs.
Ce furent des événements douloureux qui, en le frappant au cœur dans ses plus chères affections, occasionnèrent cette évolution. La mort de sa mère, puis d’une de ses sœurs renouvelèrent en lui des inquiétudes métaphysiques auxquelles le mysticisme pouvait apporter, chez un homme si plein de sentimentalisme et prédisposé naturellement aux errements de l’idéalisme, une solution éphémère. À ce moment, il commença de publier le Génie du Christianisme, dont on admira unanimement la langue puissante et émue, sans adhérer cependant avec autant de vivacité aux idées que le livre exprimait.
Plusieurs de ses contemporains, écrivains ou penseurs, l’entourèrent alors d’une affection sur laquelle il reposa son cœur tourmenté. Mais, toujours incertain de ses destinées, visant avec la plus grande sincérité des positions et des honneurs où il se croyait indispensable, Chateaubriand ne consentit pas à demeurer dans cette atmosphère fervente où ses admirateurs tâchaient de le conserver. La vie politique le tentait, non pour les avantages grossiers qu’elle procure tout d’abord à ceux qui s’y font une place prépondérante, mais pour les services incomparables qu’il prétendait pouvoir rendre. Ce sentiment de confiance absolue en soi, cet orgueil altier, se manifestaient dans cette curieuse brochure : de Buonaparte et des Bourbons, qu’il publia en 1811, et maintes fois aussi dans les Mémoires d’Outre-Tombe. Est-il nécessaire de rappeler quelques-unes de ces phrases, dont la tournure prête à rire, quelque admiration qu’on veuille conserver pour la sincérité des convictions de Chateaubriand : « Mon article remua la France, et ma brochure avait plus profité à Louis qu’une armée de cent mille hommes » ; ou : « Et si j’étais mort à ce moment-là, s’il n’y avait pas eu de Chateaubriand, quel changement dans le monde ! »
En 1801, il publia Atala, un an après le Génie du Christianisme. En 1804, l’assassinat du duc d’Enghien l’exaspère ; il se démet d’un titre diplomatique dont il avait les prérogatives en Suisse, et c’est peu de temps après qu’il s’embarque pour l’Orient d’où il rapportera l’une de ses plus belles œuvres : les Martyrs.
Il brûlait encore de jouer un rôle dans les affaires publiques, et son retour en France le remet aussitôt dans la lutte. Ses colères contre Bonaparte n’avaient fait que s’accroître. Les tyrannies impériales, les entraves mises aux moindres réformes d’activité nationale, ses comparaisons avec le libéralisme heureux de l’antiquité, lui suggérèrent un article violent qu’il publia dans le Mercure, en 1807. et qui — on en jugera par le court passage que voici — eut dans l’opinion publique un immense retentissement :
« Lorsque, dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur, lorsque tout tremble devant le