Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Les communaux, qui étaient très nombreux en Lorraine, parce que les seigneurs auraient eu le droit d’en prendre le tiers si les habitants eussent consenti à la division, ont été presque tous partagés individuellement et mis en culture ; et les biens dont les seigneurs s’étaient emparés, à titre de blancs, dans les temps malheureux, ayant été restitués aux communes, ont accru considérablement la masse des objets à partager.

« Quand tous ces moyens ont été épuisés par les habitants des campagnes, il s’est établi un nouveau genre de spéculation qui a encore singulièrement contribué à la division des propriétés : c’est la vente au détail de beaucoup de termes matrimoniales ; la plupart des propriétaires, appauvris par les suites de la Révolution, ont été forcés de tourner leurs vues vers des branches d’industrie qui pussent leur procurer un meilleur revenu que ces fermes ; des compagnies en ont acheté une très grande quantité et ont fait un bénéfice prodigieux par des reventes en menu détail. Ce gain est encore rarement au-dessous de 40 à 50 %, quoique le prix en gros des biens susceptibles d’être détaillés soit à peu près doublé depuis quelques années.

« Ainsi, non seulement le nombre des propriétaires s’est beaucoup multiplié, mais encore la plupart de ceux qui n’avaient qu’un misérable bout de champ ou de vigne ont aujourd’hui assez de propriétés pour faire subsister leur famille pendant toute la durée de l’année, et, s’ils travaillent pour les fermiers, c’est seulement parce qu’ils ont besoin d’eux pour cultiver leurs terres qu’ils augmentent continuellement. »

M. Colchon, préfet de la Moselle, exprime, lui, son étonnement d’une si grande multiplication des propriétaires. (Imprimerie nationale an XI) :

« J’ai donné tous mes soins à ce que le nombre des propriétaires fût déterminé avec exactitude. Il résulte de recensements faits qu’ils se sont accrus de 13 47.

« Cette augmentation m’a frappé, et j’ai craint d’abord d’avoir excédé la vérité pour avoir voulu l’atteindre avec trop de précision ; mais j’ai pensé qu’il pourrait bien n’y avoir pas d’exagération, en considérant l’immense quantité de domaines nationaux mis dans le commerce et vendus en détail par la République et par les acquéreurs, exemple suivi par beaucoup d’anciens propriétaires.

« Pour prévenir, d’ailleurs, ou pour écarter les doutes, j’ai cru devoir comparer les articles d’impôt foncier de 1789 avec ceux de l’an V et de l’an IX :

En 1789
95.186
En l’an V
130.318
En l’an IX
142.038

« L’accroissement des articles a donc été, jusqu’en l’an V, de 33 132 et de 11 720 depuis cette époque jusqu’en l’an IX. Or, leur multiplication pouvant avec raison être censée n’avoir d’autres causes que le morcellement successif