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atteindre. On égorge dans les rues de Leipsig ; 13 000 des nôtres sont, en quelque sorte, assassinés ; près de trente mille Français, des généraux, Régnier, Lauriston sont faits prisonniers : l’ennemi est las de tuer.

L’effet de ce désastre fut immense et ruina le prestige impérial ; les trahisons se multiplièrent, et l’on vit des régiments, au sortir d’Erfurt, se disperser sans qu’aucune injonction pût rétablir en eux un sentiment quelconque de discipline. La démoralisation la plus complète gangrenait à nouveau les jeunes troupes de Napoléon, comme au sortir des plaines de Russie.

L’empereur, dont l’armée décimée par ces catastrophes successives ne comptait plus guère qu’une centaine de mille hommes, se jeta précipitamment dans la direction du Rhin. Le 29 octobre, il se heurta, à Hanau, près du Mein, à une armée austro-bavaroise forte de 50 000 hommes que commandait un ancien allié de l’Empire, le comte de Wrede. L’habileté de Drouot, qui prescrivit à l’artillerie de très remarquables mouvements tactiques, triompha de ce nouvel obstacle. Les Bavarois durent livrer le passage à nos troupes et se retirèrent, complètements défaits, après avoir subi de grosses pertes.

Les Français, à qui cette dernière victoire laissait quelque répit, gagnèrent Mayence et le Rhin, en novembre : ils s’y trouvèrent tous réunis aux premiers jours de décembre : la fièvre typhoïde se déclara soudain et fit encore, au sein de ces bataillons mutilés et vaincus, d’innombrables victimes ; enfin, ce qui restait de cette armée, jusque là valeureuse et presque pareille à celles qui, quelques années auparavant, avaient bouleversé l’Europe, passa lamentablement le Rhin. De petits corps furent ensuite détachés auxquels la défense du fleuve fut confiée, et l’on commença d’enregistrer les malheurs nouveaux qui accablaient les troupes abandonnées par Napoléon dans les places fortes de l’Allemagne. Les garnisons cantonnées à Torgau, à Wittemberg, à Magdebourg, à Stettin et à Glogau capitulèrent, tandis que Gouvion-Saint-Cyr évacuait Dresde. Seul, Davoust tint bon à Hambourg ; seul, dans ce désordre, il maintint au cœur de la vieille ville hanséatique le prestige de la conquête française ; il devait y demeurer jusqu’à la chute de Napoléon.

Simultanément, l’Espagne avec Wellington, et la Hollande avec Bislow recouvraient l’autonomie de leurs territoires, en chassaient les Français, tandis qu’Eugène, pressé par les Autrichiens et par l’armée de Murat qui souhaitait régner sans contrôle, quittait l’Italie. De toutes parts montait cette marée furieuse, irrésistible, des peuples assoiffés de vengeance ; l’Europe, longtemps terrassée, brûlait maintenant d’écraser cette nation intrépide et trop fameuse ; des armées rassemblées sur toutes les route orientées vers la France n’attendaient qu’un signe pour agir de concert.

Enfin, à l’issue de la campagne d’Allemagne, en 1813, il ne restait plus