Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jour d’Allemagne, avait compris qu’il importait d’agir sans retard. Eugène, successivement refoulé, avait traversé l’Oder, puis l’Elbe. En outre des évacuations de Berlin et de Hambourg, Davout venait de quitter Dresde où la brutalité des vengeances exercées par ses soins sur les plus beaux monuments de la ville avait exaspéré les habitants. Enfin la nouvelle de la défection des souverains de Saxe, de Bade, de Bavière et de Wurtemberg venait d’arriver. En réponse aux notes pressantes par lesquelles Napoléon demandait à ses alliés le concours de leurs armes, la Confédération du Rhin, malgré les hésitations et les inquiétudes que faisait naître l’improbable issue de la campagne engagée, s’était déclarée dissoute ; le roi de Saxe, pour se dérober aux exigences de Napoléon, venait de se rendre précipitamment à Prague, avec sa cavalerie, se plaçant ainsi sous la protection de l’Autriche. Cette fuite, comme nous le verrons un peu plus loin, n’était qu’un atermoiement inutile et ne devait guère avoir d’efficacité pour le malheureux monarque.

Napoléon avait quitté Paris le 13 avril 1813, au soir ; trois jours après, il fut à Mayence, où lui parvint la nouvelle du ressentiment de l’Autriche, qui venait d’ailleurs de faire connaître son intention d’exiger, durant tout le passage à travers ses États, le désarmement des troupes de Poniatowski, rappelées de Pologne par l’empereur. Celui-ci donna libre cours à l’indignation que lui suggérait cette mesure, à l’exécution de laquelle il s’opposa d’ailleurs avec la plus grande violence, et que le cabinet de Vienne rapporta peu de temps après.

Le 26 avril, Napoléon prit le commandement des quatre corps d’armée, que dirigeaient respectivement Ney, Bertrand, Marmont et Oudinot. Les forces françaises et les forces alliées étaient à peu près égales ; il y avait environ 200 000 hommes du côté des Français, répartis d’une part dans les quatre corps que nous venons de mentionner et, d’autre part, dans les troupes d’Eugène et de Davout, qui s’élevaient ensemble à 90 000 hommes.

Les Russes et les Prussiens formaient un contingent d’environ 210 000 hommes, dans lesquels il fallait comprendre 30 000 Suédois fournis par Bernadotte.

Witgenstein, auquel des généraux qui s’étaient illustrés pendant la campagne de Russie avaient été adjoints : Miloradovitch, Wintzingerode, Gortchakof et Barclay de Tolly, commandait en chef les troupes russes. Les contingents prussiens avaient à leur tête Blücher.

Ce fut à Weissenfels que les Français prirent contact avec l’ennemi, le 1er mai, dans la matinée ; cette rencontre fut tout à l’honneur de nos jeunes troupes qui, avec une prodigieuse intrépidité, bousculèrent les Russes et neutralisèrent l’effort de leur cavalerie. Bessières, qui commandait la cavalerie française, fut emporté par un boulet. Cette perte causa un vif mais éphémère chagrin à l’empereur, que la belle vaillance de ses nouvelles troupes avait réconforté. On se remit en route dans la direction de Leipsig, et