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l’Université ne tarda pas à être organisée et que le décret du 17 mars 1808 lui conféra le monopole de l’enseignement à tous les degrés dans l’ensemble de l’Empire. Ainsi les prêtres enseignants devaient être à sa discrétion, tout comme les autres. Quant à ces derniers, il entendait bien qu’ils n’usassent de la religion que pour la faire, comme il disait, cadrer à ses vues, à sa politique. Il instituait, par exemple, de nouvelles fêtes catholiques, et notamment la sienne, qui fut, à partir de 1806, célébrée solennellement le 15 août sous l’invocation étrange de saint Napoléon ».

La Saint-Napoléon ! Ne devait-il pas être, en définitive, le seul dieu qu’il fût permis d’adorer ?

Et s’il permettait qu’on brûlât de l’encens devant d’autres autels, encore fallait-il que ce fût une sorte d’hommage indirect rendu à sa propre divinité.

Lisez, je vous prie, cette page extraordinaire et suggestive du catéchisme mis entre les mains des enfants :

D. — « Quels sont les devoirs des chrétiens à l’égard des princes qui les gouvernent et quels sont, en particulier, nos devoirs envers Napoléon Ier, notre empereur ?

R. — Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent et nous devons, en particulier, à Napoléon Ier, notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’Empire et de son trône ; nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et la prospérité spirituelle et temporelle de l’État.

D. — Pourquoi sommes-nous tenus de tous ces devoirs envers notre empereur ?

R. — C’est, premièrement, parce que Dieu, qui crée les empires et les distribue suivant sa volonté, en comblant notre empereur de ses dons, soit dans la paix, soit dans la guerre, l’a établi notre souverain, l’a rendu le ministre de sa puissance et son image sur la terre. Honorer et servir notre empereur, c’est donc honorer et servir Dieu lui-même ! Secondement, parce que Notre Seigneur Jésus-Christ, tant par sa doctrine que par son exemple, nous a enseigné lui-même ce que nous devons à notre souverain.

D. — N’y a-t-il pas des motifs particuliers qui doivent nous attacher plus spécialement à Napoléon Ier, notre empereur ?

R. — Oui, car il est celui que Dieu a suscité dans des circonstances difficiles pour rétablir le culte public et la religion sainte de nos pères et pour en être le protecteur. Il a ramené et conservé l’ordre public par sa sagesse profonde et active ; il défend l’État par son bras puissant ; il est devenu l’Oint du Seigneur par la consécration qu’il a reçue du souverain pontife, chef de l’Église universelle,