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Mais Soult ne voulait point servir ainsi la gloire d’un rival et refusa d’obéir : si bien que Jourdan dut sans lui, engager la bataille qui resta indécise et que chacun s’attribua comme une victoire : Vellesley y gagna le titre de duc de Wellington, mais y perdit huit mille hommes. Les pertes du côté français furent au moins égales (11 août 1809). Cela n’empêcha pas le roi Joseph de faire chanter un Te Deum solennel à Madrid pour rendre grâce à Dieu d’une si efficace protection !

Nous ne pourrions, sans sortir du cadre qui nous est assigné, entrer dans tous les détails de cette guerre péninsulaire qui se poursuit encore pendant les années 1810, 1811, 1812, 1813 et 1814, avec de successives alternatives de succès et de revers. Nous ne pouvons qu’en mentionner les épisodes les plus marquants.

L’année 1810 fut employée presque tout entière à conquérir l’Andalousie : là encore d’abominables cruautés furent commises et le sang coula à flot dans les malheureuses provinces espagnoles.

Une nouvelle campagne en Portugal fut ensuite organisée sous la direction de Masséna ; celui-ci ne réussit même pas à passer le Tage, lui aussi victime de la jalousie de Soult qui lui refusa des renforts. L’expédition se termina au mois de mai par l’abandon de notre dernière place en Portugal, la petite ville de Almeida que Brenier fit sauter avant de rallier le gros des troupes.

Les seuls succès remportés par les Français en 1811 furent les victoires successives de Suchet en Catalogne, victoires qui valurent à ce général, après la prise de Valence, le titre de duc d’Albufera. L’année 1812 marque pour l’armée d’occupation française le commencement des persistantes débâcles. Marmont est battu à Ciudad-Rodrigo, Soult à Badajoz par Wellington ; Jourdan venu pour mettre l’accord entre les deux maréchaux toujours en rivalité — c’est une tradition constante chez les lieutenants de Napoléon — ne trouve que des armées sans approvisionnements, démoralisées et décimées : le reste de l’année coûta l’Andalousie aux Français encore une fois trahis par Soult toujours en révolte contre les instructions qui lui parvenaient.

Avec l’année 1813, la situation s’empira d’autant plus qu’au lieu d’envoyer les renforts nécessaires, Napoléon au contraire, en péril de son côté, rappelle des troupes en toute hâte. Aussi le roi Joseph est-il contraint d’évacuer Madrid et de se retirer à Valladolid. Wellington essaya de couper la retraite, mais si meurtrière que fut pour nous la bataille de Vitoria, elle permit cependant à nos troupes, cruellement éprouvées d’ailleurs, de passer la Bidassoa et d’atteindre la frontière française.

Un mouvement offensif que tenta Soult vers Pampelune fut empêché par Wellington qui nous tua encore huit mille hommes aux environs de Saint-Sébastien. La ville prise par les Anglais fut brûlée et mise à sac (31 août).