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L’EMPIRE DE 1807 À 1815

CHAPITRE PREMIER

LE BLOCUS CONTINENTAL

Napoléon n’ayant pu atteindre directement la puissance de l’Angleterre, va chercher à la frapper par une formidable guerre économique.

À n’en point douter, les conséquences politiques et économiques du blocus pesèrent lourdement sur les destinées de l’épopée napoléonienne, et on ne saurait s’aventurer dans le dédale des négociations diplomatiques et des expéditions militaires, encore moins essayer de pénétrer la vie industrielle et commerciale de notre pays pendant la période de 1807 à 1814, sans se livrer tout d’abord à une étude un peu sérieuse de cette question douanière.

Depuis longtemps déjà, une lutte sans merci était engagée entre Napoléon et l’Angleterre, et une haine, aveugle comme toutes les haines, grandissait et s’exaspérait sans cesse entre ces deux, formidables puissances qui, pourtant, faillirent un jour se compléter l’une par l’autre.

Car — c’est un détail curieux à noter en passant — un caprice du sort aurait pu mettre au service de la nation anglaise le génie redoutable qui devait plus tard lui porter et en recevoir de si rudes coups : il semble en effet incontestable qu’à une certaine époque de sa jeunesse, Bonaparte fit des démarches pour entrer dans la marine britannique, et un historien anglais, M. Goshen, a récemment découvert dans les archives de l’Amirauté la lettre originale, la requête adressée à cet effet par le futur empereur des Français, alors étudiant à Brienne.

On ne lui fit pas de réponse, et la dédaigneuse inattention d’un scribe obscur, chargé de la correspondance, eut ce jour-là sur l’évolution des choses humaines et sur les destinées du monde une bien curieuse et décisive influence.

Ce serait sans doute grossir démesurément ce détail historique que de voir en une blessure d’amour-propre la cause première de cette haine qui