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arrêtés, c’est que le gouvernement leur faisait garder les blés en magasin et se réservait le droit de leur dire de mettre en vente quand il le jugerait à propos. Chaptal a décidé de faire « un essai sur 50 000 quintaux de blé ou 10 250 sacs de farine, afin de faire connaître par expérience tous les détails de l’opération. Il répond de l’honnêteté de la compagnie à qui il s’adresse. « Si vous approuvez ce traité, dit-il au consul, nous aurons des blés à Pontoise avant la fin du mois. Nous aurons alors des données sûres sur le prix du grain vendu à Paris. Nous pourrons alors ou traiter en connaissance de cause avec des compagnies ou, ce qui vaudra mieux, accorder une prime bien calculée pour chaque sac de farine vendu à la halle de Paris et provenant de la Belgique. » Il ajoute sur une note volante : « Il serait à désirer que, pour prévenir tout danger de concurrence dans les achats de grains, la même compagnie fût chargée de l’universalité de ceux à faire pour la guerre, la marine et l’intérieur, mais en tenant une caisse et une comptabilité séparée vis à vis de chaque ministre. Cette idée cependant n’est pas sans inconvénient sous quelques rapports, en ce qu’elle met dans une seule main toutes les subsistances de la France. « Un mémoire du 11 vendémiaire[1] sur la nécessité de faire des approvisionnements en grain pendant l’hiver de l’an X » est le meilleur commentaire de la lettre ci-dessus. On y voit que, se rappelant que le gouvernement avait fait livrer en 1791, par l’ancienne compagnie des Vivres, 300 000 sacs pour l’armée et 300 000 sacs pour les besoins publics, le premier consul « a désiré connaître les conditions auxquelles le citoyen Vanderbergh consentirait à se charger de cet approvisionnement extraordinaire. » Or, voici ces conditions : commission de 3 % sur l’achat et 18 sols par sac et an pour garde, déchets ; avance de 1/4 sur le montant des approvisionnements à faire, soit 9 millions ; pour lui, le prix moyen du sac de méteil, tous frais compris, est 30 fr. 14 sols. Sur ces conditions, le rapporteur fait diverses observations : il y a avantage à ne pas acheter à forfait sur les prix actuels qui sont hauts et peuvent baisser avec la paix maritime, mieux vaut donc acheter par commission ; la commission de 3 % semble élevée, mais le munitionnaire doit de son côté 1 à 1 1/2 % à ses agents ; il est plus avantageux d’établir la commission sur le nombre de sac plutôt que sur le prix ; quant aux 18 sols pour garde et déchets, on ne donnait que 12 sols à l’ancienne compagnie, « mais, la main d’œuvre ayant à peu près doublé depuis la révolution », il est juste de donner 15 sols ; Vanderbergh a réparti les sacs à raison de 7 000 sacs dans le Midi, depuis Besançon à la Rochelle, 50 000 sur les côtes de l’ouest et 180 000 tant dans l’intérieur que sur les frontières de l’est », il vaut mieux, selon le rapporteur, avoir avant tout 100 000 sacs dans la région de Paris et approvisionner aussi largement Bordeaux et Toulouse.

Le préfet de police, interrogé à son tour, proposa ce qui suit[2] : « Veiller

  1. Archives Nationales, F11 292.
  2. Archives Nationales, AFiv 1058 pièce 8, 11 vendémiaire an X.