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président comme ayant tenu des propos insurrectionnels chez M. le président. Comme cet homme a servi pendant quelques mois les maçons qui travaillent au Corps législatif, MM. les questeurs, informés du mouvement de ces ouvriers, ont donné l’ordre d’arrêter (sic) cet individu, mais il s’était évadé. La police le recherche. L’article sur lequel les ouvriers réclament particulièrement dans l’ordonnance de police est celui qui ne leur donne qu’une heure de repos, de 10 heures à 11 heures, dans l’hiver (ce qui établit un travail continu de 6 à 7 heures sans manger[1]). Il est conforme aux anciens règlements et à l’usage antérieur à la Révolution, contre lequel l’abus (sic) a prévalu depuis quinze ans. Tous les maîtres en désirent l’exécution, mais nul, excepté ceux qui travaillent pour le gouvernement, ne se montre disposé à l’exiger. »

Toutes ces dernières lignes portent : ainsi, ce que les patrons veulent, ce que le gouvernement exige, c’est le retour aux habitudes de l’ancien régime qui obligeaient les ouvriers à un travail consécutif de sept heures sans manger, et si ces habitudes-là ont été renversées par la Révolution, c’est le fait d’un abus qui a trop duré ! Les mutins, ceux qu’on arrêtait, disaient qu’on prenait les ouvriers pour des bêtes de somme : avaient-ils tort ?… Et tous ont un regret, un seul : si l’Empereur était là, cela n’arriverait pas. Lisez plutôt le rapport du 8 octobre : « L’inaction des ouvriers s’est fait remarquer encore aujourd’hui. Dix ont été arrêtés hier (sic). Quelques-uns au nombre de 20 à 25, ont reparu aux ateliers ; un plus grand nombre se montre disposé à reprendre au premier jour. L’inertie de ces hommes n’est accompagnée d’aucun indice de turbulence. Ils accusent leurs entrepreneurs, et ils prétendent que si l’empereur était à Paris, S. M. n’eût point permis que l’ordonnance passât ». Le 9 octobre apparaît une mesure transactionnelle : « L’inaction des ouvriers en bâtiment est la même qu’hier. Même tranquillité aussi dans leur conduite. Les entrepreneurs et architectes des ouvrages publics, réunis aujourd’hui à la préfecture de police, ont déclaré que les ouvriers se montraient mieux disposés ; qu’ils n’étaient retenus maintenant que par une fausse honte qui les porte a ne point céder ; qu’enfin, lundi prochain 13, les travaux reprendront au moyen d’une tolérance de droit et d’usage relative au goûter qu’on appelle repas sur la pierre, et qui n’a jamais été refusée aux ouvriers quoique cela ne soit pas mentionné dans l’ordonnance. Ces mêmes entrepreneurs ont demandé d’étendre l’ordonnance de S. Ex. le ministre de l’Intérieur aux atelier hors Paris, tels que Ecouen, le canal de l'Ourcq, afin d’ôter aux ouvriers insubordonnés la facilité d’échapper au nouveau règlement en se portant sur ces ateliers ; mais il n’a point été statué sur cette demande ainsi que sur celle de plusieurs maîtres selliers et autres, qui ont sollicité M. le conseiller d’État, préfet de police, d’appliquer à leurs ouvriers l’effet de la dernière ordonnance. »

  1. En note sur l’original.