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1802). C’est ensuite la proclamation de l’Empire (Constitution de l’an XII-18 mai 1804), qui marque l’effondrement de la liberté. Bonaparte a trouvé, sur sa route vers l’absolutisme, des adversaires, il s’est heurté à des difficultés intérieures ou extérieures. Nous devons montrer comment il les tourna ou les renversa.

PREMIÈRE SECTION
Jusqu’à l’établissement du Consulat à vie.

CHAPITRE PREMIER.

LA PACIFICATION DE LA VENDÉE.

Le rétablissement de l’ordre dans les départements de l’ouest était une condition essentielle de la stabilité de tout nouveau gouvernement. Les « patriotes » royalistes, soutenus par l’or anglais, devaient se soumettre ou toute lutte extérieure était dangereuse, toute action intérieure empêchée. Bonaparte, dès les premiers jours du Consulat, envisagea les moyens de terminer l’insurrection. Hédouville[1], général en chef de l’armée d’Angleterre, venait d’entreprendre des négociations singulières avec les chefs chouans, les traitant non pas, comme avait fait Hoche (1796), en rebelles dont on attend soumission aux lois de la République, mais en chefs avec qui on passe des conventions et de qui on reconnaît les pouvoirs. Bonaparte avait à ce moment besoin de se concilier tout le monde, il avait des intrigues dans tous les partis — il n’était d’aucun — promettait aux uns et aux autres sans distinction des choses absolument contraires. Il laissa donc faire Hédouville et, le 26 décembre 1799, il reçut même d’Andigué, chargé de proposer la paix au nom de Frotté, Châtillon, Bourmont, d’Autichamp et les autres chefs de bandes. L’agent royaliste de Neuville et Talleyrand assistaient à l’entrevue. Les royalistes, sans doute autorisés par certaines ouvertures de Bonaparte avant le coup d’État, croyaient alors que le général travaillait pour eux. Le consul demande à d’Andigné : « Que vous faut-il pour cesser la guerre civile ? Deux choses, répond Hyde de Neuville, Louis XVIII pour roi légitime en France, et Bonaparte pour le couvrir de gloire[2] ! » Les délégués royalistes eurent cependant tôt fait de se convaincre qu’ils s’étaient trompés et Hyde de Neuville dut écrire au comte d’Artois : « M. d’Andigné a vu par lui-même, en se réunissant à moi pour la démarche qu’il se disposait à faire seul, qu’il n’y a rien à espérer d’un homme comme Bonaparte. » Cependant, le consul persista dans ses procédés de conciliation. Hédouville put conti-

  1. Gabriel Deville, p. 542.
  2. Ernest Daudet. La Police et les Chouans sous le Consulat et l’Empire, p. 15.