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Donnez des ordres pour que demain nous ayons des chevaux à neuf heures du matin pour nous et pour le consul. »

En résumé, la France opposait donc à Kray et Mélas trois armées commandées par Moreau, Masséna, Bonaparte.

§ 2. — La campagne d’été en 1800.

Moreau commença ses opérations le 25 avril 1800. Au lieu de ramasser toutes ses forces entre Constance et Schaffouse et les jeter, d’un seul coup, de l’autre côté du Rhin, comme avait arrêté Bonaparte, il fait passer un corps (Sainte-Suzanne) à Kehl, et, tandis que l’ennemi s’avance vers lui pour le rejeter sur la rive gauche, Saint-Cyr passe à Neuf-Brisach, un troisième corps à Baie et Lecourbe à Stein. Le 3 mai, Moreau et Gouvion Saint-Cyr étaient vainqueurs à Engen, tandis que Lecourbe l’était à Stockach. Puis, dans la retraite de Kray sur le Danube, une série de victoires marquent encore la poursuite française ; c’est Moreau à Mœskirch (5 mai), c’est Saint-Cyr à Biberach, c’est Lecourbe à Memmingen qui frappent avec succès l’adversaire l’obligeant à se concentrer sur Ulm. D’après les Mémoires de Napoléon, c’est bien à Ulm que Moreau devait arriver ; mais il aurait dû y marcher avec toutes ses troupes et y entrer avant Kray pour lui couper la retraite de l’Inn et le rejeter en Bohème. Il n’y a pas de critiques qu’il n’ait faites au sujet de cette campagne de l’armée du Rhin, critiques reprises, du reste, par nombre de tacticiens[1]. Quelle que puisse être leur valeur théorique, il est certain qu’elles ont surtout été dictées à Napoléon par cette jalousie extraordinaire qu’on lui vit toujours porter aux hommes de mérite qui l’entouraient. Dans ses Mémoires, Napoléon juge les choses de haut et de loin ; en fait, nous savons qu’il avait d’abord dit à Moreau de « pousser » Kray simplement, attendant tout succès de ses victoires à lui, premier consul. Et, le jour où Moreau devant Ulm allait peut-être frapper le coup décisif, ce jour-là Bonaparte lui donna ordre de donner à Moncey le corps de Lecourbe (réserve) et de l’envoyer à l’aile gauche de l’armée consulaire, en Italie[2]. Avec 18 000 hommes de moins, Moreau ne pouvait plus que « tâtonner autour d’Ulm[3] ». Il le fit, du reste, avec succès, battant Kray dans toutes ses tentatives pour rompre les lignes françaises sur la route de Vienne, à Hochstædt (19 juin 1800), à Neubourg, à Oberhausen, où fut tué La Tour-d’Auvergne, que Bonaparte, le 9 floréal (29 avril 1800) venait de nommer premier grenadier des armées de la République. C’est après cette série de victoires et alors que Kray se retirait sur la Bohème, que Moreau, entré à Munich (28 juin), consentit à un armistice qui laissait à ses troupes tout le territoire conquis (armistice de Parsdorf, le 15 juillet 1800).

  1. Voyez Bonnal, op. cit. La manœuvre de Marengo.
  2. L’ordre fut porté à Moreau par le ministre de la guerre lui-même, le citoyen Carnot.
  3. Moreau au Premier Consul, 27 mai 1800.