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ordonnés par la loi pour constater l’état civil des Français ». Par contre, le clergé romain recouvrait en partie le droit de se servir de l’ancien calendrier (art. 56) et par l’art. 57 : « Le repos des fonctionnaires publics sera fixé au dimanche », voyait définitivement disparaître le culte décadaire. — Le titre IV est tout entier consacré aux circonscriptions religieuses, aux édifices du culte et au traitement des ministres. La France était partagée, en dix archevêchés et cinquante évêchés[1] (art. 58), avec une paroisse au moins par justice de paix, c’est-à-dire par canton. Les archevêques recevaient un traitement de 15 000 francs, les évêques un traitement de 10 000 francs. Quant aux curés, répartis en deux classes, les uns étaient payés 1 500 francs, les autres 1 000[2]. Si nous donnons ces chiffres, c’est pour rappeler le débat soulevé au sujet de l’art. 14 du Concordat et que nous avons précédemment examiné. La dernière section de ce quatrième titre rend au clergé catholique les églises non vendues, « à raison d’un édifice par cure et par succursale… » C’est sur cette réinstallation matérielle que s’achève le texte des Articles Organiques et c’est une conclusion normale.

Nous avons dit qu’ils contribuèrent à faire accepter le Concordat, et maintenant que nous connaissons ces deux textes, c’est à cette parole qu’il nous faut revenir. Tous les historiens nous rapportent qu’à la première lecture du Concordat, un silence glacial l’accueillit au Conseil d’État, et puis que des rires étouffés s’élevèrent à l’audition de certains termes auxquels on n’était plus habitué. Pas une voix ne s’éleva pour complimenter le Premier Consul. Or, il faut se rappeler la composition du Conseil d’État pour comprendre exactement la signification de ce silence et aussi pour apprécier le mot de Consalvi, écrivant après la signature du Concordat : « Moi-même qui le vois conclu, c’est à peine si j’y crois ».[3] L’hostilité du Corps législatif, celle du Tribunat étaient certaines. Le Sénat, dont Bonaparte n’avait pas besoin pour faire adopter son traité avec Rome, c’est vrai, mais qui enfin avait dans l’État une place considérable, admit en décembre 1801 Grégoire, et cela malgré le Premier Consul. Il fallut, pour faire écarter Daunou du même corps (janvier 1802), l’intervention personnelle du maître… C’étaient là des symptômes inquiétants. Mais Bonaparte avait toujours à sa disposition un moyen que nous connaissons bien : le coup d’État. N’étant pas sûr du Tribunat ni du Corps législatif, il les renouvela. Ce renouvellement, nous le savons, devait avoir lieu par cinquième ; mais au lieu de procéder par voie de tirage au sort, le Premier Consul chargea le Sénat de faire cette opération qui, bien entendu, eut lieu

  1. Il y a aujourd’hui 18 archevêchés et 69 évêchés.
  2. Le budget des cultes pour 1904 porte 925 000 francs pour le traitement des archevêques et des évêques (chap. 4) ; 4 479 400 francs pour le traitement des curés (chap. 5) ; 470 000 francs pour les allocations aux vicaires généraux (chap. 6). Nous rappelons que le chap. 7 porte 160 000 francs pour les chanoines. Le chap. 8 qui vise le traitement des desservants et vicaires, traitements qui n’existent ni dans le Concordat ni dans les Articles Organiques, s’élève à 33 631 400 francs…
  3. Lettre du 27 juillet 1801.