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tions sur la liste des émigrés et se montrait plein d’égards pour des nobles et des prêtres (Madelin, Fouché, t. Ier, p. 256) ; de l’autre, il s’efforçait de plaire aux ouvriers : dans une lettre du 25 thermidor (12 août) — veille de la fermeture de la salle de la rue du Bac — adressée à l’administration municipale du iiearrondissement (Idem, p. 257) il ordonnait, afin d’obvier à la misère résultant du chômage, « une enquête destinée à désigner les chefs d’atelier qui pouvaient encore, grâce à un prêt à longue échéance ou à un secours gratuit, tenir ouverts tous leurs ateliers et nourrir ainsi leurs ouvriers, et, d’autre part, les ouvriers travaillant en chambre, dignes des secours immédiats du gouvernement ». On ignore si cette mesure fut générale ; en tout cas, elle n’eut pas grand effet pour les ouvriers ; car, à la séance des Cinq-Cents du 4 vendémiaire an VIII (26 septembre 1799), on voit un ami de Bonaparte, Fabre (de l’Aude), signaler de nouveau la misère des ouvriers, réclamer l’organisation de travaux et dénoncer les arrière-pensées de certains patrons cherchant à exciter le mécontentement de la classe ouvrière pour peser sur le gouvernement : « Un objet, dit-il, qu’il est impossible d’ajourner, parce qu’il peut influer sur la tranquillité publique, c’est l’état déplorable où se trouvent un grand nombre d’ouvriers que le défaut de moyens, la peur d’une trop forte taxe dans l’emprunt de cent millions, ou peut-être la malveillance, ont fait renvoyer des ateliers ». Une commission fut chargée d’étudier la question.

Une excellente résolution votée par les Cinq-Cents, le 13 fructidor an VII (30 août 1799), fut celle qui rapportait la loi du 18 fructidor an V (4 septembre 1707) autorisant (chap. xvii, § 1er) l’entrée ou le maintien des troupes à Paris et dans les environs ; mais elle était rejetée par les Anciens le 2me jour complémentaire (18 septembre). Le parti jacobin tenta de prendre sa revanche de son échec au sujet des demandes en accusation ; et le général Jourdan, qui marchait avec lui, défendit, le 27 fructidor (13 septembre), devant le Conseil des Cinq-Cents, la décision votée par la société de la rue du Bac le 25 thermidor (12 août) : il lui demandait directement de déclarer « que la patrie est en danger, que sa liberté, sa constitution, sont menacées par des ennemis intérieurs et extérieurs ». La séance fut une des plus orageuses qu’il y eût encore eu ; Lucien Bonaparte préconisa « une marche ferme et constante dans le sentier constitutionnel », et combattit la proposition ; le président eut l’habileté de faire prononcer l’ajournement de la discussion au lendemain. Les modérés profitèrent de ce délai pour rallier les indécis et, le 28 (14 septembre), Jourdan fut battu par 245 voix contre 171 ; les modérés l’emportaient définitivement. Alors que, le mois précédent, un rapport du Bureau central de Paris signalait que les ouvriers, malgré la situation économique déplorable dont ils se plaignaient beaucoup, — « les manufactures grandes et petites, sont presque désertes ; la maçonnerie surtout est sans occupation » — s’inquiétaient peu « de questions politiques » (recueil de