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ges sont aussi lourdes et emportent plus de brutalité, plus d’humiliation surtout, que du temps des Français. Les insurrections excitées par Souvorov tournent au brigandage ; des bandes, menées par des moines, parcourent les villages, arrachent les arbres de la liberté, les remplacent par des croix, vont faire leurs dévotions à l’église, envahissent les maisons des suspects, qui se trouvent toujours être les riches, pillent, tuent, violent, brûlent, et s’en vont. » (A. Sorel, L’Europe et la Révolution française, 5e partie, p. 411).

Partie, le 18 et le 19 floréal (7 et 8 mai), de Naples et ayant presque partout à lutter sur son passage contre des insurgés, l’armée de Macdonald arrivait le 27 et le 28 (16 et 17 mai) à Rome, le 6 prairial (25 mai) à Florence et le 10 (29 mai) à Lucques. C’est de là que le plan de jonction put être combiné avec Moreau.

Il fut convenu que Macdonald marcherait par Modène, Parme et Plaisance vers Tortone que Moreau atteindrait par Gavi et Novi. Ils n’avaient quelque chance de réussir qu’en faisant vite. Macdonald resta dix jours dans l’inaction en Toscane, alors qu’il ne fallait pas tout ce temps pour reposer ses troupes ; le 21 (9 juin) seulement, il se remettait en route et remportait, le 24 (12 juin), un succès à Modène. Victor venant de Pontremoli descendait en même temps à Borgo San-Donnino où l’avant-garde de Macdonald le rejoignait le 26 (14 juin). Continuant sa marche sur Plaisance où elle entrait le 28 (16 juin), l’armée refoulait un corps autrichien et s’établissait sur la rive gauche de la Trebbia.

Souvorov qui, à la nouvelle de la marche de Macdonald, avait à tout hasard rassemblé ses forces entre Alexandrie et Tortone, jugea que, pour empêcher la jonction avec Moreau, il lui fallait aller sans perdre de temps à la rencontre de Macdonald et, le 29 (17 juin), il arrivait à propos au secours des Autrichiens de nouveau assaillis par les troupes françaises et sur le point de céder. Attaqué le 30 (18 juin), Macdonald dut passer sur la rive droite de la Trebbia ; de part et d’autre, on lutta toute la journée et toute celle du lendemain avec un acharnement qui fut surtout extraordinaire entre les Polonais au service de la France et les Russes. Le soir du 1er messidor (19 juin), les armées ennemies se trouvèrent toujours séparées par le lit de la Trebbia ; ne recevant pas de renforts comme Souvorov, Macdonald ne voulut pas risquer avec des soldats épuisés une quatrième journée de combat et, dans la nuit du 1er au 2 (19 au 20 juin), il battit en retraite par le chemin qu’il avait suivi pour venir. Le 2 (20 juin), la division Victor fut écrasée sur la Nure, torrent coulant à l’est de la Trebbia, parallèlement à cette rivière. Souvorov, ayant éprouvé de grandes pertes et craignant l’arrivée de Moreau, ne fit pas poursuivre davantage Macdonald qui put réorganiser un peu ses troupes, le 4 (22 juin), à Reggio, et atteindre, le 29 (17 juillet), Gênes où elles parvinrent dans un état déplorable.

Le 28 prairial (16 juin), Moreau s’était dirigé vers Gavi d’où malheureu-